Les poursuites judiciaires contre le « gang des cardiologues » poseurs de stents périmés va aider à assainir le secteur de la santé.
Par Mounir Hanablia *
La justice est en train de marquer des points décisifs contre le « gang des cardiologues », depuis l’arrestation d’un des plus éminents membres de la profession, et tout dernièrement, d’un fournisseur de stents, ainsi qu’on vient de l’apprendre. L’un des principaux poseurs de stents périmés et membre du gang serait en fuite, en Algérie. La brigade économique a par ailleurs mis à nu les connexions existant entre le gang, bien connu dans la profession sous le nom de «Dawaech», et le fournisseur arrêté. D’autres arrestations seraient imminentes. L’enquête impliquerait également les directions de plusieurs cliniques. L’un des Pdg d’un grand établissement de Tunis a démissionné il y a quelques jours mais on ignore si cela est lié à l’affaire. Et bien sûr, c’est la panique dans la corporation.
La chasse aux malhonnêtes doit se poursuivre
Apparemment, beaucoup vont devoir se justifier de leurs fortunes très vite établies et du train de vie somptueux qu’ils mènent, ainsi bien sûr que des innombrables voyages et achats à l’étranger avec leurs épouses durant les congrès médicaux, pendant des années.
Bien sûr la profession portera pendant longtemps les stigmates de ce coup de pied dans la fourmilière asséné par la justice. Beaucoup en feront les frais, c’est certain. Il n’en demeure pas moins que cette chirurgie à vif était nécessaire parce que des médecins en sont arrivés avec la plus parfaite bonne conscience à implanter un matériel périmé chez leurs patients, et parce qu’ils ont fait l’amour avec les fournisseurs de stents. Et aujourd’hui, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), qui a financé tout cela, se trouve au bord d’un gouffre financier qui menace non seulement les retraités, mais tout le pays.
Cette affaire a donc pour enjeu beaucoup plus que l’emprise que les médecins entretiennent sur les esprits de leurs patients, ou la concurrence parfaitement déloyale qu’ils ont exercée contre leurs collègues respectueux des valeurs médicales. Et d’autre part, malgré son ampleur, elle ne représente que peu de choses par rapport à la partie immergée de l’iceberg, les appels d’offres publics du marché des hôpitaux, depuis l’époque de Ben Ali.
Quid de l’activité privée complémentaire ?
Pour peu qu’il continue dans cette voie, l’Etat tunisien tient donc là une occasion inestimable d’éponger une partie non négligeable du déficit financier du pays, et de rétablir la confiance internationale dans la rigueur et l’efficacité de nos institutions.
Toute la question est donc de savoir si les autorités surmonteront la complaisance dont les fonctionnaires ont depuis toujours bénéficié dans ce pays. Le plus difficile n’est en effet pas de récupérer l’argent public sur les malfrats, cela est toujours possible du moment que la volonté politique ne fait pas défaut. Simplement, il faut que l’Etat se débarrasse des clichés réducteurs qui attribuent le mal au seul secteur libéral, et s’attaque aussi à sa racine dans l’hôpital public, dont le fil directeur se nomme l’activité privée complémentaire (APC).
Mais bravo tout de même au chef du gouvernement Youssef Chahed ! Grâce à lui le citoyen sera plus en sécurité dans les hôpitaux publics et les cliniques privées, ce qui est déjà en soi, énorme.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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