Le surplus de fonctionnaires de la fonction publique en Tunisie peut être utilement réaffecté dans des services en manque de personnel, notamment l’impôt et le contrôle économique.
Par Khémaies Krimi
C’est devenu une coutume : le Fonds monétaire international (FMI) ne rate aucun rapport sur la Tunisie sans recommander au gouvernement tunisien de maîtriser la masse salariale et de réduire au strict minimum le recrutement dans la fonction publique.
Dans un récent rapport publié, en ce début de janvier 2018, le Fonds a qualifié la masse salariale en Tunisie, rapportée au PIB, d’«une des plus élevées dans le monde» et de «la principale cause de la crise des finances publiques dans le pays». Et le FMI de rappeler: «La masse salariale a atteint, en 2016, 14,1% du PIB, contre 10% en 2010».
Une stratégie gouvernementale en trois points?
Pour remédier à cette situation, le gouvernement tunisien a arrêté une stratégie en 3 points : suspension des recrutements dans la fonction publique (20.000 de moins chaque année), incitation au départ volontaire négocié à la retraite, objet d’une loi adoptée récemment, et redéploiement de l’effectif existant.
Comme on le constate, le gouvernement a beaucoup avancé sur les deux premiers points mais il traîne encore du pied pour le troisième, plus compliqué à mettre en œuvre.
Pourtant, la marge de manœuvre disponible pour réaffecter ce personnel pléthorique est énorme en ce sens où plusieurs secteurs publics pâtissent d’une insuffisance de personnel.
Mieux, les domaines qui souffrent de manque de personnel présentent l’avantage d’être, particulièrement, des niches génératrices de juteuses recettes pour l’Etat. Nous en citerons trois à portée immédiate et à rentabilité certaine.
Réaffecter le personnel pléthorique dans les secteurs publics pâtissant d’une insuffisance de personnel.
Intensifier le recouvrement fiscal
Le premier concerne le recouvrement fiscal. Pour améliorer la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, le gouvernement a intérêt à réaffecter un grand nombre de fonctionnaires exerçant dans d’autres départements à l’administration fiscale.
Pour saisir l’ampleur de cette fraude fiscale, deux économistes, en l’occurrence Mohamed Haddar, président de l’Association tunisienne des économistes (Asectu), et Mustapha Bouzaiane, statisticien, se sont penchés sur cette problématique. Selon eux, deux populations ne déclarent pas leurs revenus au fisc. Il y a tout d’abord «la population potentielle hors champ fiscal». A ce propos, leur rapport révèle que le tiers de la population active occupée ou employée (32%) exerce dans l’informalité. Cette population n’est pas identifiée par l’administration fiscale et échappe donc aux services de l’impôt. Autre révélation : sur les 2.461.000 emplois salariés, plus du cinquième (508.000) occupe un emploi dans des activités informelles ou sont dans une situation ou forme d’informalité.
La seconde population est celle que le rapport dénomme «la population en défaut» et qui représenterait la moitié des contribuables répertoriés. En chiffres, sur un nombre de 734.000 contribuables répertoriés, 365.000 seraient en défaut dont 302.000 personnes physiques et 63.000 sociétés.
Conclusion: l’Etat a beaucoup d’argent à récupérer pour peu qu’il renforce l’effectif des contrôleurs de fisc.
Lutter contre le commerce non structuré
La deuxième niche génératrice de recettes est manifestement le contrôle économique. D’après des statistiques officielles, le ministère du Commerce ne compte que 600 contrôleurs répartis sur tout le territoire du pays. C’est trop peu au regard de la recrudescence du commerce informel, de l’intermédiation et de la banalisation de la tricherie. Pour ne citer qu’un chiffre, seuls 35% des produits agricoles transitent par les marchés régulateurs de gros (Bir El-Kassa et autres).
La troisième et dernière niche est représentée par les recettes fiscales et municipales. Il suffit de relever les longues queues de citoyens qui passent des heures et des heures pour se faire livrer un document en règle (extraits d’état civil, registre de commerce, enregistrement de contrats, légalisation de signatures…) pour comprendre que ces structures manquent dramatiquement de personnel alors que, paradoxalement, les transactions qui s’y accomplissent se font en cash (liquide) et rapportent beaucoup à l’Etat.
En conclusion, empressons-nous de signaler qu’il s’agit là d’une liste restrictive, très restrictive même, et que les secteurs publics dans lesquels le gouvernement peut réaffecter une bonne partie du personnel pléthorique de la fonction publique sont bien plus nombreux.
OTE : Les effectifs de la fonction publique ont triplé après 2011
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