Indignons-nous pour construire un avenir meilleur!

Maintenant que les premières élections présidentielles depuis la promulgation de la nouvelle Constitution en juillet 2022, laquelle a renforcé les pouvoirs présidentiels, sont prévues pour le 6 octobre 2024, l’indignation est non seulement justifiée mais également nécessaire.

Najet Zammouri *

Dans un monde en perpétuelle mutation, l’indignation reste une force motrice essentielle pour le changement. Ce cri du cœur, popularisé par Stéphane Hessel dans son essai intitulé ‘‘Indignez-vous’’, trouve une résonance particulière aujourd’hui en Tunisie, pays symbole du Printemps arabe mais qui traverse désormais une période de troubles socio-économiques et politiques.

Tout d’abord, la Tunisie, berceau de la révolution de 2011, avait suscité l’espoir de voir émerger une démocratie stable et prospère dans le monde arabe. Treize ans après, le rêve semble s’estomper sous le poids des défis économiques, de la corruption et de l’instabilité politique.

En effet, le taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes, et une inflation galopante alimentent un sentiment de désespoir et de frustration parmi la population. Par conséquent, la promesse d’un avenir meilleur paraît de plus en plus lointaine.

Depuis le 25 juillet 2021, la situation des droits de l’homme en Tunisie a suscité de vives inquiétudes, tant sur le plan national qu’international. En effet, plusieurs points critiques se dégagent.

Menace pour la démocratie tunisienne

Depuis qu’il a pris des mesures exceptionnelles, Kaïs Saïed a concentré les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires entre ses mains. Il a suspendu le parlement, limogé le gouvernement et annoncé son intention de gouverner par décrets. Cette concentration des pouvoirs est largement perçue comme une menace pour la démocratie tunisienne.

De nombreux journalistes, blogueurs et activistes ont signalé des cas de harcèlement, d’intimidation et même d’arrestations pour avoir critiqué le gouvernement ou les décisions du président. Ces actions représentaient des signes précurseurs d’une atteinte à la liberté d’expression et constituaient une violation flagrante des droits fondamentaux

Ensuite, en février 2022, la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature par Kaïs Saïed a suscité de vives critiques, car elle compromet gravement l’indépendance judiciaire. Le limogeage de plusieurs juges a également soulevé des inquiétudes sérieuses quant à une possible instrumentalisation de la justice à des fins politiques.

De plus, l’arrestation ou la poursuite de plusieurs opposants politiques et anciens responsables gouvernementaux pour des raisons souvent perçues comme politiques est profondément préoccupante.

En outre, les mesures d’austérité imposées par le gouvernement, telles que les réductions de subventions et les augmentations d’impôts, ont aggravé la situation. Les coupes budgétaires dans les services publics, notamment l’éducation et la santé, ont entraîné une dégradation de la qualité de ces services essentiels, accentuant les inégalités sociales et privant les citoyens des outils nécessaires pour améliorer leur condition de vie.

Un climat de peur et d’autocensure

La société civile tunisienne et les défenseurs des droits de l’homme ont exprimé leurs préoccupations croissantes concernant la direction prise par la Tunisie sous le leadership de Kaïs Saïed. Ils dénoncent notamment les atteintes répétées aux principes démocratiques et aux libertés fondamentales. Cependant, ces voix critiques se heurtent à la menace des poursuites judiciaires en vertu du décret 54, une mesure controversée qui vise à restreindre la liberté d’expression sous prétexte de lutter contre la désinformation.

Ce décret est perçu comme un outil de répression politique, utilisé pour museler les opposants et les dissidents. Les défenseurs des droits de l’homme craignent que cette législation ne serve à justifier des actions judiciaires arbitraires contre ceux qui osent critiquer les décisions gouvernementales. En effet, plusieurs journalistes, blogueurs et activistes ont déjà été convoqués ou inculpés sur la base de ce décret, créant un climat de peur et d’autocensure au sein de la société civile.

Maintenant que les premières élections présidentielles depuis la promulgation de la nouvelle Constitution en juillet 2022, laquelle a renforcé les pouvoirs présidentiels, sont prévues pour le 6 octobre 2024, l’indignation est non seulement justifiée mais également nécessaire.

En effet, elle est un rappel de l’esprit révolutionnaire qui avait conduit à la chute du régime autoritaire de Ben Ali. Ainsi, l’indignation aujourd’hui doit se traduire par une exigence de transparence, de justice sociale et de réformes politiques. L’indignation doit également se manifester par un engagement citoyen plus fort, par la participation active aux élections et par le soutien aux initiatives locales visant à améliorer les conditions de vie.

Cependant, cette indignation ne doit pas se transformer en violence ou en désespoir. Elle doit être canalisée vers des actions constructives, des dialogues ouverts et des solutions concrètes. En particulier, les jeunes doivent être au cœur de ce mouvement. En effet, leur énergie et leur créativité sont des atouts précieux pour rebâtir une Tunisie prospère et juste.

En somme, indignez-vous ! Mais faites-le avec l’objectif de construire un avenir meilleur. La Tunisie a déjà prouvé qu’elle pouvait être un exemple de résilience et de courage. Il est donc temps de raviver cette flamme de l’espoir et de poursuivre la lutte pour un pays où la dignité, la justice et la prospérité ne sont pas des rêves lointains, mais des réalités tangibles.

* Première vice-présidente de la Ligue tunisienne des droits de l’homme