Les questions économiques au cœur de la présidentielle en Tunisie

Après que le président Kaïs Saïed a demandé aux électeurs de voter lors de l’élection présidentielle du 6 octobre 2024 et que le dépôt des candidatures à ce scrutin ont démarré le 29 juillet et s’achèveront ce mardi 6 août, à 18 heures, les questions économiques seraient-elle au centre des prochaines campagnes électorales, au détriment des discours politiques sur les droits et les libertés, comme l’affirme l’auteur de cet article ?

Kamel Abdallah *

Le 4 juillet, le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Farouk Bouasker, a exposé les conditions requises pour les candidats à la présidentielle. Il s’agit notamment d’un casier judiciaire vierge et de l’approbation de 10 députés ou membres du Conseil national des régions ou de 40 chefs de conseils locaux. Alternativement, les candidats peuvent obtenir le soutien de 10 000 électeurs inscrits dans 10 circonscriptions électorales législatives, avec au moins 500 électeurs par circonscription. Les observateurs suggèrent que ces conditions pourraient constituer un défi pour les candidats indépendants, qui pourraient avoir besoin de recueillir le soutien de 10 000 électeurs.

Plusieurs candidats autres que le président sortant ont déjà déclaré leur intention de se présenter à la course. Il s’agit notamment de la militante politique et chef du Parti de la Troisième République Olfa Hamdi, du secrétaire général de l’Union populaire républicaine Lotfi Mraihi, de l’ancien ministre sous le régime du président Zine El-Abidine Ben Ali, Mondher Zenaidi, de l’homme d’affaires et personnalité médiatique Nizar Chaâri, de l’homme politique indépendant et éminent journaliste Safi Saïd, et du secrétaire général du parti du Travail et de la Réalisation, Abdellatif Mekki, anciennement dirigeant du mouvement Ennahdha**.

Des rapports locaux suggèrent la possibilité que le chef du Parti destourien libre, Abir Moussi, et le secrétaire général du Parti républicain, Issam Chebbi, se présentent également à la présidence, bien qu’ils soient actuellement en prison. Leurs partis auraient l’intention de soutenir leur candidature malgré les difficultés juridiques auxquelles ils sont confrontés, peut-être pour influencer les procédures judiciaires en cours, contester les décisions de justice ou embarrasser Saïed.

Détérioration des conditions économiques

Les élections se dérouleront selon le système présidentiel adopté en 2021, un changement par rapport au système parlementaire précédent. Ce changement a été opéré par Saïed pour sortir de l’impasse politique entre les différentes factions, qui avait exacerbé les crises économiques et financières, ayant un impact négatif sur les moyens de subsistance de la population.

Après les manifestations de 2011, qui ont conduit au renversement de Ben Ali, la Tunisie est devenue un modèle potentiel de transformation démocratique dans le monde arabe. Le pays est cependant confronté à des conflits politiques, notamment entre Ennahdha, associé aux Frères musulmans et dirigé par Rached Ghannouchi, actuellement en prison, et les partis de gauche.

Ces conflits ont contraint Saïed à prendre des mesures correctives en 2021, notamment la dissolution de la Chambre des représentants élue en 2019 et la transition d’un système parlementaire à un système présidentiel, suite à la dissolution du gouvernement qui avait contribué à la détérioration des conditions économiques.

Les mesures de 2021 ont déclenché de vives réactions non seulement en Tunisie mais aussi en Europe, aux États-Unis et dans les forces politiques locales touchées par la fin de leurs palabres politiques déstabilisants. Cela a mis la pression sur le nouveau régime présidentiel, avec des allégations de déclin démocratique, en particulier à la lumière de la crise économique que traverse le pays.

Les opposants de Saïed l’accusent de répression et de consolidation de son pouvoir personnel, refusant de reconnaître les erreurs catastrophiques résultant de leurs luttes antérieures sur la situation politique tunisienne avant juillet 2019.

Saïed a cherché à rectifier le système parlementaire défectueux établi par la constitution de 2014, qui limitait les pouvoirs exécutifs conférés au président élu par le peuple au profit du Premier ministre choisi par le parlement.

Indifférence et désintérêt de l’opinion

Saïed devrait se présenter aux élections avec une position plus forte que ses adversaires. Cela est principalement dû à ses efforts pour rectifier les défauts structurels du système politique établi par les forces politiques entre 2011 et 2019. On ne peut nier qu’il a réussi à mettre un terme au chaos partisan qui a englouti la Tunisie et d’autres pays arabes après les troubles de 2011.

Le président met l’accent sur l’agenda économique. Il reconnaît la nécessité de répondre à la crise actuelle en Tunisie et de répondre aux aspirations de ses citoyens. Ses déclarations soulignent systématiquement l’importance de s’attaquer à l’économie. Il devrait annoncer son programme et sa vision politique et économique tant au niveau national qu’international.

Cette situation a façonné l’opinion publique tunisienne, conduisant à l’indifférence et au désintérêt pour les plaintes des partis politiques concernant la limitation de leur rôle. Les différends entre les partis et l’incapacité de leurs dirigeants à présenter un modèle politique de gouvernance efficace ont contribué à ce sentiment.

Par conséquent, l’atmosphère entourant les prochaines élections diffère des précédentes, avec une plus grande attention portée aux conditions de vie et moins d’intérêt pour le discours politique et les libertés.

Traduit de l’anglais.

* Chercheur au National Center for Middle East Studies et analyste politique à Al-Ahram Weekly.

** Ndlr: Aux dernières nouvelles, aucun de ces candidats à la candidature ne sera finalement dans la course pour le Palais de Carthage.   

Source : Al-Ahram Weekly.

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