Ces Ong qui nous veulent du mal !

Des milliers d’Ong étrangères sont actives en Tunisie, directement ou indirectement en finançant des Ong locales, et notre pays reçoit annuellement des centaines de millions de dinars de financements pour divers secteurs : culture, sport, santé, éducation, recherche, droits de l’homme, etc., dont il ne peut se passer. Quel intérêt a-t-il donc à s’aliéner ces bailleurs de fonds qui ne veulent pas tous du mal à la Tunisie ? (Illustration : on imagine que I Watch dérange, mais n’est-ce pas là son rôle ?)

Ridha Kefi

L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a indiqué qu’elle pourrait priver l’organisation I Watch de l’observation des présidentielles du 6 octobre prochain, au prétexte qu’elle est «soupçonnée d’avoir reçu des financements étrangers suspects». Reste que l’Ong en question n’a jamais fait mystère de ses financements extérieurs. Mieux, elle les a toujours clairement signalés sur son site web depuis sa création en 2012.

Pour l’année 2024 en cours, le total des financements extérieurs de I Watch annoncés sur son site web s’élèvent à 486 061 dinars tunisiens. C’est le chiffre d’affaires  annuel d’une PME, d’un salon de thé ou d’un débit de tabac situés dans un quartier huppé. Un contrebandier opérant dans les zones frontalières au vu et au su de tous tirerait de son activité illégale beaucoup plus, sans déclarer ses revenus et en passant par les mailles du filet.

Financements extérieurs déclarés de I Watch en 2024

Les bailleurs de fonds sont eux-mêmes des Ong opérant dans le domaine de la lutte contre la corruption et pour le renforcement de démocratie et de la bonne gouvernance : Transparency International, Oxfam, National Endowment for Democracy…

Les financements sont souvent accordés pour l’organisation d’événements précis, à caractère local ou régional : colloques, séminaires de formation, soutien aux projets afférents aux missions indiquées…

Si l’on peut concevoir que ces Ong poursuivent des objectifs douteux et qu’elles complotent contre notre pays, comme il se chuchote dans certains cercles proches du pouvoir, alors, oui, on peut admettre que I  Watch reçoit des financements douteux. Mais dans ce cas, le gouvernement doit être clair dans sa démarche, en interdisant l’activité de ces Ong sur le territoire national et en généralisant cette interdiction à d’autres secteurs, et ne pas se contenter de ceux ayant un lien direct ou indirect avec la politique : droits de l’homme, justice, lutte contre la corruption, bonne gouvernance, etc.       

Il y a, en effet, des milliers d’Ong étrangères actives en Tunisie, directement ou indirectement en finançant des Ong locales, et notre pays reçoit annuellement des centaines de millions de dinars de financements pour divers secteurs : culture, sport, santé, éducation, recherche, etc., dont il ne peut se passer. Quel intérêt a-t-il donc à s’aliéner ces bailleurs de fonds qui ne veulent pas tous du mal à la Tunisie?

Notre commentaire ici ne vise nullement à défendre I Watch, Mourakiboun ou d’autres Ong qui sont aujourd’hui dans le collimateur des autorités, celles-ci se défendront mieux elles-mêmes. Nous attirons seulement l’attention des responsables politiques sur les graves conséquences de cette dérive que nous observons depuis quelque temps et qui consiste à entourer de suspicion tout ce qui vient de l’étranger, alors que notre pays, avec les problèmes qui sont les siens, est encore très dépendant des aides étrangères.

Ne nous emballons donc pas, sachons raison garder et, surtout, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain…  

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