Ouvrage à vocation historique publié par les éditions Alif et réalisé sous la direction de Kamel Jendoubi, ancien président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), ‘‘Que vive la république ! Tunisie 1957-2017’’ est un voyage passionnant dans l’histoire récente d’une Tunisie millénaire.
Par Khémaies Krimi
Edité à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de la proclamation de la République tunisienne, le but de ce livre, qui réunit un ensemble d’articles thématiques, de témoignages et de photos illustrant les moments forts qu’a connu cette république depuis sa proclamation en 1957, est de contribuer à la «faire vivre» et à en parler de nouveau, «non plus comme une relique du passé mais comme le projet de toujours réinventé d’un destin partagé», écrit Kamel Jendoubi.
Plus simplement, cet ouvrage ambitionne d’ouvrir un débat sur la construction de l’identité républicaine, les valeurs et idées qui la fondent.
Il s’agit d’un travail collectif auquel ont participé une quinzaine d’intellectuels multidisciplinaires : historiens, archivistes, philosophes, juristes, constitutionnalistes, sociologues, économistes, hommes de culture, journalistes, militants des droits humains…
Des contributions de haut niveau
Publié en deux versions, arabe et française, ce livre de grand format et de 300 pages, explore l’histoire de la République tunisienne à travers de contributions écrites, de témoignages photographiques et de documents rares. L’éditeur a voulu que l’ouvrage soit à la fois polyphonique et polyphotographique, selon ses termes.
Polyphotographique dans la mesure où il est abondamment illustré : 600 photos et photocopies de documents historiques, les images étant souvent plus parlantes que les mots, souligne l’éditeur.
Polyphonique en ce sens où il réunit pas moins de cinquante témoignages de personnalités du monde politique et de la société civile et une quinzaine de longs articles rédigés par des chercheurs et des intellectuels de différents horizons.
Ces derniers ont proposé des éclairages sur l’histoire de la République tunisienne, sur le concept de la République et sur les Constitutions de 1959 et de 2014.
Ainsi, l’historienne Fatma Slimane, professeure d’histoire moderne à l’Université de Tunis traite de la modernité de Kheireddine Pacha, réformiste et réformateur.
L’écrivain et historien Adel Ltifi revient aux origines du nationalisme tunisien pour mesurer son impact sur l’évolution politique de la Tunisie indépendante jusqu’à la démocratie actuelle.
Hédi Jallab, professeur de l’enseignement supérieur et directeur général des Archives nationales, retrace, à travers des documents et des journaux d’époque, les derniers moments programmés de la fin de la monarchie husseinite.
Slim Laghmani, professeur à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunisie, analyse la Constitution de 1959.
Dorra Mahfoudh, professeure de sociologie à l’Université de Tunis met en lumière la mobilisation et la lutte des femmes pour le droit à l’égalité homme-femme, bien avant l’indépendance et jusqu’à ce jour, et trop souvent récupérée par l’Etat.
Baccar Ghérib, historien de la pensée économique et politique, dresse un bilan et une évaluation de l’économie nationale de 1957 à 2017.
Hichem Ben Massoud historien dresse un portrait incisif du président Habib Bourguiba et explique dans un autre article comment la justice sous la présidence de Bourguiba reste dépendante d’un horizon démocratique toujours différé et d’un autoritarisme grandissant.
Jean-Philippe Bras, professeur de droit constitutionnel (Université de Rouen, France), ancien directeur de l’IRMC, explique comment des constituants qui, ne possédant pas les mêmes valeurs, peuvent partager des conceptions communes.
Vers une troisième république
Messaoud Romdhani, président du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, retrace l’historique des mouvements d’opposition réprimés sauvagement de 1956 à 2011. Il a parlé aussi des dissidents qui ont entretenu, selon lui, la flamme de la démocratie.
Héla Yousfi, maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine, analyse l’histoire de l’UGTT, son apport à la construction de la République tunisienne et les défis auxquels doit faire face la centrale syndicale dans le nouveau paysage politique.
Ridha Chennoufi, professeur de philosophie politique à l’Université de Tunis, ouvre le débat sur la laïcité et la construction encore fragile d’un Etat civil républicain.
Zied Miled, avocat et ingénieur, plaide pour une Tunisie du possible, envisagée sous l’angle d’une véritable démocratie numérique.
Par-delà ces contributions multidisciplinaires d’excellente facture intellectuelle, l’ouvrage, bien qu’il ne le dise pas expressément, semble plaider pour une troisième république plus démocratique et plus citoyenne, une nouvelle république qui aura pour mission de faire oublier aux Tunisiens l’autoritarisme excessif de la première et la démocratie procédurale de la seconde.
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