Pourquoi devrions-nous subir le sabot pour les infractions de stationnement sur les zones appelées «bleues», au centre-ville de Tunis, plutôt que de simples amendes ?
Par Dr Lamia Kallel *
On ne peut qu’être d’accord pour l’amende ! Oui, ne pas payer son ticket de stationnement, c’est bien une faute qui s’assume de principe. Elle s’assume même si elle est souvent l’apanage d’un moment d’inattention lié à un manque flagrant de signalement (…) ou à une mauvaise appréciation du temps écoulé. C’est admis, les amendes de stationnement irrégulier demeurent un moyen aussi légal que citoyen pour booster les caisses de l’Etat, même si, en vérité, pour les fameuses zones bleues du centre-ville de Tunis l’argent va directement dans les caisses de sociétés privées conventionnées avec la municipalité de Tunis.
La galère du citoyen «saboté»
Notre vécu en pratique est une toute autre histoire. Car après avoir constaté la lourde présence de ce petit jouet jaune, toute une chaîne d’actions est lancée, trouver un taxi qui ne veut venir, pour partir à la recherche du dépôt municipal, payer, sous réserve d’avoir de l’argent liquide et d’avoir eu le réflexe de récupérer l’avis d’amende accroché sur le pare-brise, puis reprendre le taxi, regagner la voiture et attendre l’arrivée des agents pour la dépose du sabot, et pour ça il faudrait être très patient!
Quelle perte de temps et d’énergie dont se passeraient bien nos neurones déjà bien fragilisés!
Pourquoi ce type d’humiliation du citoyen?
Pourquoi ne pas signaler l’amende sur nos pare-brises tout simplement? Une amende délivrée à la manière de celle par la police de la circulation ou la garde nationale, en cas d’infraction routière, à payer à la recette de la finance?
Hier encore, j’ai encaissé un sabot aux Berges du Lac de Tunis en voulant assister tôt à une conférence scientifique avant de partir à l’hôpital puis rejoindre un autre événement de la communauté médicale. J’avais choisi de ne pas utiliser le parking gratuit de l’hôtel, pour… gagner du temps!
Cherche-t-on à piéger le citoyen automobiliste ?
Je ne savais pas qu’on avait étendu les zones bleues à la petite rue où je me suis stationnée, sur une zone normalement dédiée. Le signalement de la zone bleue était loin, très loin d’être visible… Je n’irais pas jusqu’à dire que c’était fait pour piéger le citoyen, même si je peux bien le penser.
En pratique, j’ai été empêchée de faire mon saut prévu à l’hôpital… Mais imaginez que j’avais été appelée pour une urgence médicale ??
S’agissant de médecins, la question du sabot mériterait vraiment des mesures particulières, eu égard des spécificités de leur profession. Ces mesures sont de vigueur partout dans le monde développé. Ce fut aussi le cas en Tunisie auparavant quand le caducée était actualisé. Mais depuis quelques années, si vous êtes en Tunisie et que votre médecin a le malheur d’avoir un sabot alors que vous êtes en détresse et que vous attendiez son aide, demandez à votre malaise de prendre son mal en patience !
Beaucoup d’autres anomalies dérangent les citoyens en silence, comme le fait que les horodateurs soient rares, difficilement localisables à l’instar de ceux récemment mis en place à la Marsa, du côté du centre commercial Le Zéphyr, et aussi sur la route de la clinique de la région. Là-bas, le sabot pour non-paiement ou dépassement du délai payé est de vigueur même le dimanche. Le prix du ticket pour le stationnement, lui, dépasse la moyenne sur le Grand-Tunis.
En revanche, force est de reconnaître la grande réactivité des agents en charge de la détection des infractions de stationnement et aussi la célérité de leur prise en charge, la pose du sabot du moins. Ils sont même cités en exemple en termes d’efficacité !
Encore que cette efficacité n’est qu’apparente et tellement caricaturale par son aspect sélectif, le fameux deux poids deux mesures! Car en Tunisie, si tu as de «bons amis», tu pourras te garer gratuitement sur les zones bleues et au-delà même, sur les zones interdites, au vu et su des maires et des élus municipaux. Un spectacle quotidien, auquel nous avons droit en particulier au centre ville de Tunis, rendant la circulation encore plus pénible.
Les déboires du citoyen avec le sabot et aussi le «chenguel», un sujet qui mérite d’être décortiqué un jour!
* Membre du bureau du Conseil régional de l’Ordre des médecins de Tunis.
Article de la même auteure dans Kapitalis :
Les médecins tunisiens sont-ils «plus mortels» que les autres ?
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