Tunisie – Huile végétale : Interrogations sur le «démenti» des autorités

Le communiqué diffusé hier, jeudi 21 juillet 2022, par le ministère du Commerce à propos du navire chargé de 6000 tonnes d’huile végétale en provenance de l’Espagne, qui a quitté le port de Sousse sans décharger sa cargaison, laisse perplexe. Et suscite de légitimes interrogations…

Par Imed Bahri

Pour démentir les médias ayant évoqué un problème de paiement, les autorités ont affirmé que le navire en question était arrivé le 7 juillet courant au port de Sousse, et que les autorités ont soumis l’huile transportée à des analyses, ayant révélé que la marchandise n’était pas conforme aux dispositions du contrat avec l’Office national de l’huile (ONH).*

C’est très possible et même probable, mais cette explication suscite tout de même des interrogations. Car, dans ce genre d’opérations commerciales, le contrôle se fait en amont par des laboratoires d’analyses de renommée internationale qui sont accrédités avant l’achat de tout produit agroalimentaire et ce sont ces mêmes laboratoires qui contrôlent la marchandise d’une manière très stricte dans les dépôts de la société exportatrice, les conteneurs et l’acheminement vers les navires. Les assureurs eux-mêmes exigent ces opérations de contrôle et les contrôleurs sont généralement issus des corps de la police. C’est dire la rigueur devant entourer toute opération d’importation, surtout quand il s’agit de produits agro-alimentaires.

Le communiqué du ministère du Commerce laisse donc penser que ces opérations de contrôle n’ont pas été effectuées en amont et que les contrôles n’ont été effectués qu’en aval, à la réception de la marchandise au port de Sousse. Ce qui rassure moyennement sur les conditions entourant les opérations d’importation des produits agro-alimentaires par les autorités concernées en Tunisie, et ici l’Office du commerce tunisien (OCT).

On ne va tout de même pas nous convaincre que le profil douteux du fournisseur et de la qualité douteuse de sa marchandise n’ont été découverts qu’à la réception de celle-ci. Et dans ce cas, n’est pas là un signe de mauvaise gouvernance ?

Sur un autre plan, la piste du problème de paiement est d’autant plus plausible que la Tunisie a de graves problèmes de paiement qu’on ne saurait sérieusement éluder et qu’il y a eu des précédents en la matière avec les cargaisons de blé importées et non déchargées par l’Office des céréales des bateaux qui les transportaient et qui étaient restés en rade pendant plusieurs semaines au large du port de Sfax, avant de rebrousser chemin et d’aller chercher d’autres clients, plus sérieux, sous d’autres cieux.

Si les médias ont parlé de problème de paiement, c’est donc loin d’être une vue de l’esprit et si c’est le cas, ce n’est pas par des démentis auxquels peu de gens accordent crédit que l’on va régler les problèmes auxquels font face réellement les finances publics : le déni de la vérité, la langue de bois et la loi du silence (on en a déjà fait l’expérience en d’autres temps) sont le plus court chemin vers la faillite des Etats. Et les peuples font payer cher à ceux de leurs dirigeants qui les trompent, car «on ne peut pas mentir à tout le monde tout le temps», comme dit le fameux adage, un exercice suicidaire qu’affectionnent généralement les régimes autoritaires pour, croient-ils, masquer leurs échecs.

* Illustration: port de Sousse.

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