Dans communiqué rendu public cette semaine, les syndicats du bassin minier de gafsa viennent de rejeter la proposition gouvernementale de confier à un consortium groupant un investisseur chinois et des hommes d’affaires tunisiens le lancement d’usines de recyclage des déchets solides de phosphate de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG).
Par Khémaies Krimi
Au commencement, une suggestion gouvernementale faite, le 29 novembre 2019, aux acteurs socio-économiques de Gafsa à l’occasion de l’inauguration par Youssef Chahed, chef du gouvernement de gestion des affaires courantes, de la nouvelle usine Mdhilla 2, unité spécialisée dans la production et stockage d’acide sulfurique, d’acide phosphorique et de triphosphate.
Un mois après, les syndicats de la région, en l’occurrence, l’Union régionale du travail de Gafsa, la Fédération générale des mines et les syndicats des sociétés de l’environnement ont publié en commun un communiqué virulent dans lequel ils rejettent en bloc ce projet d’usines de recyclage des déchets du phosphate. Et pour cause, ils y perçoivent un cheval de Troie voire un pied à terre pour des investisseurs prédateurs dont l’ultime objectif ne serait que la privatisation de la production du phosphate et le rachat de la CPG et du Groupe chimique de Tunisie (CGT).
Le potentiel du traitement des déchets de phosphate est énorme
Il faut admettre, de prime abord, que le recyclage des déchets de la CPG, projet rejeté à maintes reprises par la Compagnie, constitue une activité fort lucrative et un créneau fort porteur. Ces déchets solides rejetés, durant 130 activités à hauteur de 24 millions de tonnes par an, contiennent encore du phosphate commercialisable à un taux variant entre 20 et 25%.
Mieux, la future production de phosphate à partir des déchets, pour peu qu’elle utilise une technologie moderne telle que le lavage à sec du phosphate recyclé, va engranger d’importantes économies.
Ainsi, les futurs investisseurs, qui vendraient sur le marché étranger le phosphate recyclé au même prix que la CPG, bénéficieront, en plus, d’une réduction significative du coût de production puisqu’ils n’auront ni à extraire le phosphate, ni à le transporter, ni à mobiliser d’onéreuses ressources en eau pour le laver, ni à payer de gros salaires et transferts sociaux…
Pour saisir le potentiel de ce créneau, est-il besoin de rappeler qu’il s’agit de traiter quelque 3120 millions de tonnes de déchets, soit en tonnage et non en qualité, 6 fois le nouveau gisement de phosphate de Meknassy (500 à 600.000 tonnes par an). Ces déchets étaient considérés par la CPG comme un stock stratégique.
Pour les syndicats, les Gafsiens sont mieux indiqués pour ce marché
Pour revenir aux syndicats, ces derniers estiment qu’il n’est pas question d’attribuer ce marché à un investisseur chinois. Ils rejettent en bloc cette proposition. Pour eux, les Gafsiens, plus particulièrement, les 14.000 ouvriers et cadres des sociétés de l’environnement créées, après le 14 janvier 2011, pour acheter la paix sociale, sont les mieux placés pour exploiter et valoriser ces déchets.
Ils ajoutent que ce projet leur revient de droit pour deux raisons majeures.
La première consiste en le fait que ces sociétés d’environnement ont pour mission, conformément à leurs prérogatives inscrites dans le Journal officiel de la république tunisienne (Jort), d’améliorer l’environnement des sites de production de phosphate. Conséquence : le recyclage des déchets relève automatiquement de leurs attributions.
La seconde a trait au fait que ce sont les sociétés de l’environnement qui ont été les premières à proposer, depuis octobre 2016, le recyclage des déchets du phosphate. Entendre par là que le projet est leur propre projet et il n’est pas question de l’abandonner d’autant plus que si jamais l’Etat confie ce projet aux sociétés de l’environnement, il fait d’une pierre deux coups. D’une part, il régularise la situation des employés de ces sociétés qui perçoivent des salaires assimilés à des indemnités de chômage et d’autre part renforce les exportations de phosphate dont les recettes contribuent, énormément, à l’équilibre de la balance courante.
Par-delà cette ferme position des syndicats, la résurgence de cette affaire de recyclage des déchets pèche par son timing. Elle risque d’empoisonner encore la situation dans le bassin minier à un moment où la situation commence à s’améliorer avec la production, cette année, de plus 4 millions de tonnes, un record depuis le soulèvement du 14 janvier 2011. Mieux, la CPG projette de produire, pour l’an prochain, 6 millions de tonnes ce qui va permettre, selon le ministre de l’Industrie Slim Fériani, de redresser définitivement la situation financière de deux grandes entreprises publiques, la CPG et le GCT. Espérons qu’un compromis sera trouvé soit pour satisfaire toutes les parties soit pour apaiser la situation.
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