La Tunisie fait face à l’une des plus graves crises financières de son histoire. Or, ses infrastructures vitales tombent en ruine et deviennent des freins à la relance économique. Où donc trouver les fonds nécessaires aux travaux d’entretien et de modernisation sans affecter les citoyens et les entreprises en difficulté.
Par Amine Ben Gamra *
Longtemps décrié, l’état de l’aéroport de Tunis-Carthage, premier accueil des visiteurs de la Tunisie, ne semble pas s’améliorer : temps d’attente interminable, longues files de voyageurs et grand manque d’organisation, infrastructure vétuste, conditions d’accueil déplorables, vols répétés des valises ou difficultés pour les récupérer…
Tous ces points et bien d’autres constituent un obstacle pour assurer la fluidité des opérations d’embarquement et de débarquement à l’aéroport et une entrave à la fidélisation des voyageurs et à la relance du tourisme dans un pays où ce secteur est considéré comme l’un des piliers de l’économie.
Alors, avec un tel niveau de prestations, peut-on commercialiser avec succès la destination Tunisie et satisfaire tous ceux qui fréquentent cet aéroport, tunisiens et étrangers?
Un gros frein à la relance de l’économie
L’aéroport renvoie une mauvaise image du pays qui se veut pourtant une destination accueillante, et constitue ainsi un gros frein à la relance de l’économie d’une façon générale, car il est le premier contact physique des investisseurs étrangers avec le pays où ils ambitionnent de fructifier leur argent.
Cinquante ans déjà que Bourguiba dotait la Tunisie de l’aéroport le plus moderne en Afrique et dans le monde arabe (Il l’avait inauguré le 1er août 1972). Un demi-siècle après, cet aéroport est fatigué. Et malgré les travaux de réaménagement et de modernisation de ses équipements mis en œuvre dans les années 1990 par le président Ben Ali, il n’a plus vraiment d’allure et a beaucoup perdu de son lustre d’antan.
Pire encore, les finances publiques étant actuellement dans un très mauvais état, l’Etat a d’autres urgences que de mener les opérations de maintenance nécessaires à ses nombreuses infrastructures tombées en désuétude, y compris l’aéroport Tunis-Carthage, qui est la première vitrine du pays.
Comment, dans ces conditions contraignantes, trouver des fonds pour réformer l’aéroport de Tunis-Carthage ?
Les gouvernements de l’après-crise chercheront à lever des fonds au moment où de nombreuses entreprises auront déjà fait faillite et d’autres resteront fragiles et où de nombreuses personnes seront au chômage ou devront faire face à une baisse de leurs revenus.
Des pistes pour financer le besoins de l’Etat ?
Les entreprises à faibles bénéfices et à fortes dettes lutteront contre toute augmentation de l’impôt sur les bénéfices. Les augmentations de la TVA ou de l’impôt sur le revenu des personnes physiques sont susceptibles de susciter également une opposition farouche. Or, les gouvernements devront collecter davantage de taxes pour financer les besoins de l’Etat. Mais que devraient-ils taxer ?
Les trois principes qui sous-tendent notre proposition de programme fiscal sont les suivants :
- les 50% (voire 80%) des ménages les plus démunis ne devraient pas avoir à payer plus de taxes;
- une grande partie de la charge fiscale supplémentaire devrait peser sur les fortunes ou sur les entités ayant échappé aux difficultés économiques pendant la crise. Là où les revenus des particuliers et des entreprises fortunés sont restés inchangés ou ceux-ci ont connu une augmentation grâce à la crise, des surtaxes temporaires peuvent être envisagées et ajoutées aux impôts;
- la crise a accéléré le passage des transactions en face-à-face aux transactions virtuelles, ce qui augmentera encore les bénéfices de la plupart des grandes plateformes technologiques qui tirent profit de solides effets de réseau. Avant la crise, ces plateformes étaient connues pour leur capacité à éviter les taxes. Aujourd’hui, il s’avère plus important de trouver de meilleurs moyens de les taxer et de taxer les transactions numériques en général.
Il faut chercher d’autres moyens pour améliorer les recettes de l’Etat, sans affecter le pouvoir d’achat des citoyens les plus bousculés par la crise ni les entreprises en difficulté pour leur permettre de survivre et de se relancer. Mais il y a des niches où des fonds peuvent être mobilisés pour maintenir et améliorer les infrastructures vitales.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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