Azzam Mahjoub, professeur universitaire d’économie, a réalisé pour le compte du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDS) une étude publiée sous le titre «Pandémie Covid-19 en Tunisie : inégalités, vulnérabilités à la pauvreté et au chômage». Nous en publions ci-dessous un résumé.
La pandémie du Covid-19 a été (et sera), sans conteste, un grand moment de vérités multiples. Elle n’a pas manqué de révéler au grand jour nos fragilités et vulnérabilités, tant pour chaque individu d’entre nous que pour chaque pays, ou pour l’ensemble de la communauté internationale.
Toutefois, force est de constater que les vulnérabilités face à la pandémie, qu’elles soient d’ordre physique, organique, psychologique ou social, sont différentes et d’intensités inégales entre individus, groupes sociaux, régions et pays.
Vers une centralité accrue de la question sociale
L’objet de cette contribution est de mettre en exergue les implications sociales de la pandémie en termes d’inégalités et de vulnérabilités à la pauvreté et au chômage et aussi d’explorer quelques scénarios pour l’après pandémie.
L’auteur fait un diagnostic, bien entendu non exhaustif mais appuyé sur des données et estimations parfois grossières mais dont la robustesse est acceptable, en essayant de le présenter de la manière la plus simplifiée et claire que possible pour intéresser les non-initiés au même titre que les autres.
Nombre de notions et données souvent utilisés et destinées au grand public sont clarifiées car elles sont souvent présentées de manières imprécises parfois fausses, souvent confuses et non fondées sur des évidences prouvées et donnant lieu à des interprétations erronées ou tendancieuses.
De plus 4 scénarios hypothétiques sont présentés. L’auteur présente dans une 1ère partie les inégalités avant et pendant la pandémie; ensuite et avant de traiter la vulnérabilité à la pauvreté, il présente une 2e partie relative à la pauvreté. Suivent une 3e partie consacrée à la vulnérabilité à la pauvreté et une 4e partie traitant de la vulnérabilité au chômage.
A la fin de ses analyses fouillées et chiffrées, Azzam Mahjoub en arrive à la conclusion que la question sociale, en Tunisie comme dans le reste du monde, va acquérir une centralité manifeste dans l’immédiat et le futur. Et pour cause : «La pandémie a mis au grand jour et avec éclat les inégalités sociales; celles-ci, vont, très probablement, s’accentuer encore dans des proportions variables selon les pays. L’ampleur inédite de la récession induite par la pandémie entraînera une décroissance économique inégalée et d’intensité variable selon les pays et régions. Le chômage sera massif, et l’appauvrissent généralisé, avec une augmentation de la pauvreté extrême et de la vulnérabilité.»
Des solutions d’entraide et de solidarité mondiales
Face à cette situation inédite, l’auteur estime la résilience des Etats face à la crise sera inégale. «La capacité en terme de gouvernance et aussi de moyens financiers dans les pays pauvres ou à revenu intermédiaire faible, comme la Tunisie, appelle à des mobilisations nationales d’abord mais, également, régionales et internationales», écrit-il, et ajoute : «Á ce titre, la question de la dette est cruciale pour nos pays. L’annulation de tout ou partie, la cessation de paiement temporaire (moratoire), le rééchelonnent, le recyclage, le profilage de la dette doivent être l’ordre du jour. Ces options sont opportunes et se justifient aux plans économiques et financiers. L’appel récent du président du groupe de la BAD va tout à fait dans ce sens. Il demande ‘‘de reporter temporairement, le remboursement de la dette contractée auprès des banques multilatérales de développement et des institutions financières internationales. Une des solutions est le reprofilage des prêts, qui permettrait d’offrir aux pays une marge de manœuvre budgétaire pour faire face à cette crise … Le monde devrait être tourné vers des solutions d’entraide et de solidarité, car un risque pour l’un est un risque pour tous’’».
Azzam Mahjoub estime, par ailleurs, qu’au plan du droit international, cette démarche est justifiée, car les Etats peuvent, selon lui, décréter la suspension du remboursement de la dette «en s’appuyant sur le droit international et sur les arguments suivants : l’état de nécessité, le changement fondamental de circonstances et la force majeure.»
Reste, cependant, la faisabilité politique individuelle (chaque pays face à ses créanciers), qui pourrait être, selon Azzam Mahjoub, «renforcée par une démarche plutôt multilatérale, car les démarches individuelles sont risquées et se font avec un pouvoir de négociation faible.» Aussi, une initiative à l’échelle africaine serait-elle, selon lui, «appropriée pour demander et obtenir l’annulation de tout ou partie, le report de remboursement, le profilage, le rééchelonnement des dettes pour les pays pauvres et les pays à revenu intermédiaire faible, comme notre pays.»
La Tunisie pourrait-elle prendre une initiative dans ce sens? Réponse de Azzam Mahjoub : «Le stress financier est trop sévère dans nos pays. Il faut se donner les moyens collectifs, pour nous permettre de sauver nos économies et assurer notre cohésion sociale, qui est le fondement de la pérennité de nos Etats.»
I. B.
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