Il est encore trop tôt pour affirmer que l’inhibition des récepteurs gustatifs nasaux et buccaux favorise l’infection par le virus Covid-19. Cependant, les aliments comestibles au goût amer seraient nettement plus indiqués que ceux sucrés pour s’en protéger. Et tous ceux qui ont invoqué le régime alimentaire pour expliquer un éventuel «miracle tunisien» (pourvu qu’il dure) face à cette pandémie, n’ont peut être pas eu tort. Explications…
Par Dr Mounir Hanablia *
On ignore toujours la raison pour laquelle le virus de la Covid-19 soit si peu immunogène sur le plan humoral tout en suscitant une sécrétion inappropriée de Cytokines responsable des formes graves. Mais une des pistes qui mérité d’être explorée est en rapport avec les récepteurs du goût et de l’odorat.
Le rôle déterminant des récepteurs du goût et de l’odorat
L’un des symptômes de l’infection par le virus est justement la suppression de ces deux perceptions sensorielles qui précède souvent l’apparition des symptômes habituels de la maladie. Un article publié il y a trois ans par deux ORL américain, Lee et Cohen, de la faculté de médecine Perlman, Université de Pennsylvanie, évoquait justement les liens étroits entre les récepteurs, en particulier ceux du goût amer, 20 fois plus fréquents que ceux des goûts salé, sucré, acide, ou umami (glutamate) situés dans la cavité buccale mais aussi nasale, et la stimulation rapide des mécanismes de défense.
Le contact d’une protéine appelée AHL ou Lactone, issue de bactéries pathogènes résistantes aux antibiotiques, les Pseudomonas, entraînait, au niveau des cellules ciliées des fosses nasales, une stimulation des cils vibratiles, évacuant le corps étranger vers l’extérieur grâce à un véritable tapis roulant. Cette réaction mécanique s’accompagne de production d’oxyde d’azote, libéré dans la lumière, qui est un gaz toxique contre ces bactéries. Elle s’accompagne également de la synthèse de protéines appelées Défensines, qui ont également un important effet bactéricide.
Chaque jour près de 10.000 litres d’air sont filtrés dans les fosses nasales dont les poussières et les impuretés sont ainsi retenues grâce aux poils et au mucus. La sinusite chronique, une maladie des sinus des fosses nasales qui touche près de 35 millions d’Américains et 11 % des 15 à 70 ans d’Américains, peut être responsable de surinfections graves; elle est responsable de 20% de la consommation des antibiotiques et semble concerner des individus dont les récepteurs gustatifs sont soit déficients, soit absents.
Les aliments sucrés affaiblissent la stimulation défensive des récepteurs gustatifs
Le rôle défensif de ces récepteurs gustatif est par ailleurs mis en évidence par leur présence à priori surprenante dans le tube digestif, les voies urinaires, ainsi que les poumons, le cœur, le pancréas, et le cerveau. Situés dans ces organes, ils contribuent à une réponse presque immédiate, seulement quelques minutes, contre les bactéries, alors que les défenses immunitaires mettent habituellement quelques jours au contact des germes agresseurs pour produire des anticorps spécifiques et être effectives.
Il est encore trop tôt pour dire si l’inhibition du goût et de l’odorat provoqués par l’infection au coronavirus s’insèrent effectivement dans une stratégie d’inhibition des défenses de l’organisme. Par ailleurs, il apparaît que les aliments sucrés affaiblissent en fin de compte la stimulation défensive de leurs récepteurs gustatifs, disséminés ainsi qu’on l’a vu dans l’organisme; ceci pourrait expliquer le risque accru rencontré par les diabétiques et apporterait un argument supplémentaire en faveur de la participation des récepteurs contre l’intrusion du virus.
En conclusion, il est encore trop tôt pour affirmer que l’inhibition des récepteurs gustatifs nasaux et buccaux favorise l’infection par le virus Sars Cov 2, ainsi qu’elle le fait pour les bactéries pathogènes Pseudomonas et Staphylococcus Aureus. Néanmoins les aliments comestibles au goût amer seraient nettement plus indiqués que ceux sucrés, pour s’en protéger. Et tous ceux qui ont invoqué le régime alimentaire pour expliquer un éventuel «miracle tunisien» (pourvu qu’il dure) face à cette pandémie, n’ont peut être pas eu tort.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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