Concernant les régions minières dont le sous-sol est riche en phosphate, les approches tunisienne et marocaine sont radicalement opposées. Aussi opposées que le yin et le yang. La Tunisie a opté pour les emplois fictifs, la royaume chérifien a, lui, opté pour l’investissement dans le capital humain et le développement de l’infrastructure de ces régions productrices de phosphate. Les résultats donnent bien sûr raison aux Marocains.
Quand la Tunisie a opté pour la solution de facilité et ô combien dévastatrice pour acheter faussement la paix sociale en recrutant à ne plus en finir chaque année des jeunes du bassin minier pour des emplois souvent fictifs, le Maroc a opté, lui, pour l’investissement et le développement aussi bien humain (les habitants de ces régions) que sur le plan de l’infrastructure.
Aujourd’hui, la stratégie marocaine intelligente et efficace commence à porter ses fruits. La Tunisie, elle, s’est retrouvée complètement coincée dans cette spirale infernale, lourde de conséquences et de plus en plus dévastatrice chaque année : la CPG doit recruter directement ou indirectement des jeunes via des sociétés de Bastana (elles-mêmes des sociétés fictives). En réalité, ce sont des emplois fictifs car la société est déjà en sureffectif. Et chaque année, ceux qui ne bénéficient pas de ces emplois fictifs protestent et chaque année, un nouveau contingent de jeunes réclame à son tour des emplois fictifs. Et l’Etat faible s’exécute pour acheter une prétendue paix sociale qui en réalité n’existe pas malgré ses lourds sacrifices car les protestations qui bloquent la production du phosphate persistent.
CPG – OCP : un parcours très contrasté
Sur ce même sujet nous publions ci-dessous un post Facebook publié par Elyès Jouini, où l’ancien ministre tunisien, membre de l’Institut universitaire de France, compare l’évolution de la production du phosphate dans les deux pays, jadis concurrents et au-coude-coude dans les marchés internationaux et qui, aujourd’hui, ont vu le gap les séparant se creuser jusqu’à en devenir irréductible pour les Tunisiens. Nous reproduisons ce post ci-dessous…
Par Elyès Jouini
En 2011, les deux géants du phosphate, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG – Tunisie) et l’Office chérifien des phosphates (OCP – Maroc) ont fait face aux mêmes revendications locales : plus de redistribution locale de la richesse et des emplois pour tout le district.
La CPG a répondu par des embauches qui ne correspondaient pas à des besoins, ouvrant là un cercle vicieux: les exigences d’embauche se sont démultipliées avec un concept de district de plus en plus large générant par là un nombre de déçus de plus en plus grand, une frustration exponentielle, une explosion des coûts de production. Et ces emplois quasi-fictifs n’ont pas même permis d’insérer socialement leurs détenteurs ni de les intégrer dans un cycle productif.
La réponse de l’OCP a été toute autre et je me souviens encore de Mustapha Terrab, en 2011, m’expliquant que sa réponse était «je ne vous recruterai pas mais je vais vous former et former vos enfants.»
Cette année 17 élèves issus du lycée créé par l’OCP viennent de rentrer à Polytechnique Patis. Et ce n’est que la partie la plus visible et la plus prestigieuse de l’iceberg, ce sont des centaines de milliers de personnes qui ont été formées à différents niveaux, les réintégrant dans le circuit productif, leur redonnant confiance en l’avenir, leur rendant la fierté en voyant le devenir de leurs enfants…
On connaît la suite : alors que Tunisie et Maroc se disputaient la première place en termes d’exportations de phosphates et alors que le marché du phosphate ne cesse de devenir de plus en plus stratégique, le Maroc est premier avec 44 millions de tonnes produits en 2019 et notre production est de 4 millions de tonnes!
Et ne disons pas que c’est de la faute des grévistes, c’est de la faute de ceux qui ont mal géré la situation depuis 2008!
Donnez votre avis