Est-ce que la décentralisation du pouvoir est compatible avec la culture et la réalité tunisiennes ? C’est à cette question, évoquée lors d’une émission à la radio, que répond l’auteur de cet article.
Par Mohamed Sadok Lejri*
Hier, sur Mosaïque fm., comme pris par une sorte d’éclair de génie, Mohamed Jouili, un sociologue qui aime bien se pavaner de plateau en plateau pour parler de tout et de rien, sans presque jamais clarifier ses positions par des études approfondies et avec des chiffres et des statistiques à l’appui et dont les déclarations n’expriment que des vues de l’esprit, expliquait que l’organisation du pouvoir de façon centralisée était «périmée» et que l’avenir était à la décentralisation.
Il estime que l’argument qui consiste à dire : «La décentralisation engendrera en Tunisie le délitement de l’Etat» est une arme intellectuelle dont se sert l’élite pour faire peur et étouffer les revendications portées par les habitants des régions désœuvrées.
Mohamed Jouili a, également, fait l’apologie des coordinations, comme celle d’El Kamour, qui pullulent comme des cancrelats un peu partout sur l’ensemble du territoire tunisien : «ces coordinations nous incitent à changer de paradigme», dit-il.
Dans un pays en déliquescence, où l’État est menacé dans son existence même, ce discours devient dangereux, surtout quand il est tenu par un sociologue très médiatisé. Il encourage les CCC et consort à s’engoncer davantage dans leurs dangereuses et imbéciles certitudes.
Ce discours est un défi au bon sens le plus élémentaire et dénote l’irresponsabilité de son auteur. C’est indigne d’un sociologue. Libre à Mohamed Jouili de s’adonner à la masturbation intellectuelle et de construire son discours selon des vues de l’esprit que selon l’intérêt général, mais il n’a pas le droit de jouer de son statut de sociologue pour lancer en direct à la radio des appels en faveur de la décentralisation et la régionalisation du pays.
Nous ne sommes pas l’Allemagne, et encore moins la Suisse, des pays constitués de régions en même temps fortes et non hostiles à la présence d’un pouvoir central tutélaire et fort. Dans un pays comme la Tunisie, qui ne s’est pas encore tout à fait détaché de l’esprit tribal, où l’«État-nation» et la «citoyenneté» paraissent être encore pour le commun des Tunisiens des notions floues et abstraites, les revendications fortement empreintes de régionalisme entraînent inéluctablement des velléités sécessionnistes.
En réalité, je me fais plus de soucis pour l’avenir intellectuel de ce pays que pour son unité. N’en déplaise à monsieur Jouili, on ne refait pas la tradition d’un pays. La tradition tunisienne, qu’on l’aime ou pas, est centralisatrice, elle est jacobine. Les habitants du sud et de toute la partie ouest de la Tunisie ont le droit de revendiquer une meilleure prise en compte de leurs intérêts et d’aspirer à un avenir différent, mais sans prendre le risque de diviser le pays en de multiples îlots.
* Universitaire
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