Des étudiants de l’Iset Djerba volent au secours du site archéologique de Henchir Bourgou, à Djerba. Une initiative qui mérite toutes les louanges.
Par Naceur Bouabid *
Le site archéologique de Henchir Bourgou est dans un état piteux de désolation et d’abandon, sombrant jour après jour dans la négligence et l’insignifiance. Livré à lui-même, laissé à la merci des spéculateurs cupides et des pollueurs sans foi, il fait l’objet de tous les types d’outrages possibles et imaginables: destruction en règle à la pelle mécanique, spéculation foncière, falsifications des contrats de vente de terrains archéologiques et depuis quelque temps une décharge sauvage y a pris place.
Les étudiants de l’Iset découvrent l’état des lieux.
Un témoignage de l’histoire antique
D’après Sami Ben Taher, archéologue chargé de recherche à l’Institut national du patrimoine (INP), contre qui des menaces de représailles ont été proférées à répétition par les marchands des lieux de mémoire, le site de Henchir Bourgou «est probablement l’antique Phoar, dont la superficie dépasse les 23 hectares», qui était «la ville la plus importante de l’île de Djerba». A l’époque punique, «elle était reconnue par les milieux scientifiques à l’échelle internationale pour son passé glorieux dont les origines remontent à la protohistoire. Un mausolée-tour spectaculaire, construit par un prince indigène au IIe s. av. J.-C., surgit au sud du site, rappelant, de par son architecture, d’autres parallèles attestés à Sabratha (Libye), Siga (Algérie) et Dougga (Tunisie)».
Le partage des tâches.
Ni son importance historique, ni son statut d’un des plus anciens témoignages d’une occupation humaine à Djerba n’ont plaidé en sa faveur auprès de qui de devoir de protection et de préservation. «Si de tels préjudices venaient à perdurer, si ces contrevenants continuaient de nuire au site et de le convoiter avec la même voracité, renchérit M. Ben Taher, ce site pluriséculaire constituant une composante essentielle de la mémoire commune de la collectivité insulaire risquerait de disparaître sous les coups des injures du temps, des spéculateurs et des présumés propriétaires des terrains archéologiques dans un contexte caractérisé par un laxisme aberrant».
Les étudiants se mettent au travail.
L’intervention de tous les espoirs
A force de côtoyer quotidiennement ce prestigieux site, des étudiants de l’Institut supérieur des études technologiques (Iset) de Djerba ne sont pas restés de marbre à la vue des tas de gravats et de déchets de construction qui assiègent le monument funéraire. Et c’est en prenant contact avec M. Ben Taher, en sa qualité de représentant de l’INP, et avec l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba (Assidje) qu’ils ont fait part de leur volonté de contribuer à apporter les premiers secours d’urgence à un site en perdition.
Le coeur à l’ouvrage.
Il a suffi ensuite de peu pour coordonner les efforts des uns et des autres (INP, Assidje et étudiants) et décider de mener conjointement, samedi 19 décembre dernier, une belle campagne de nettoyage avec le concours logistique de la commune de Midoun, ce qui a permis de soulager un tant soit peu le monument et ses environs immédiats et de leur redonner l’allure qui sied à leur valeur historique et à leur renommée.
Certes, il ne s’agit que d’un peu d’ordre mis dans un site malmené de tous bords, mais un tel geste et une telle intervention, pour minimes et symboliques qu’ils soient, ne sont que pour secouer les consciences, que pour donner à réfléchir et à méditer aux responsables et aux décideurs locaux et régionaux qui font peu de cas de la question du patrimoine et qui font la sourde oreille aux doléances de l’Assidje et du représentant de l’INP quant aux atteintes gravissimes à répétition perpétrées ces derniers temps.
Le site de l’antique Phoar enfin nettoyé.
Qu’un site de cette notoriété historique, ainsi regrettablement réduit, banalisé et bafoué, demeure non classé, que le terrain archéologique couvrant le site ne soit pas délimité et protégé des intrus des prétendants et des pollueurs, que les décisions salutaires exigées par l’état des lieux tardent encore à être prises, que la volonté politique inhérente à la préservation et la valorisation effective des sites et des monuments fasse encore défaut dans plusieurs régions de notre pays, voilà qui est inadmissible et révoltant !
* Président de l’Assidje (Djerba).
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