Le retard enregistré dans l’annonce du mouvement judiciaire pour l’année administrative 2022-2023, alors que l’année judiciaire va commencera dans deux jours, laisse entrevoir des divergences profondes entre la présidence de la république et le Conseil supérieur provisoire de la magistrature (CSPM) sur la désignation de certains magistrats que le Palais de Carthage a révoqués et que le tribunal administratif a rétablis dans leurs droits.
Dans ce contexte, le président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), Anas Hmadi, a fait part hier, mardi 13 septembre 2022, à Mosaïque FM, de son étonnement devant le retard de la publication de la liste des magistrats concernés par le mouvement judiciaire. «La liste des transferts des anciens juges et des nominations des nouveaux n’a pas été publiée, et ce retard sans précédent perturbera le début de l’année judiciaire», a-t-il déclaré.
Anas Hmadi espère que la raison de ce retard est «la garantie d’un mouvement judiciaire équitable respectant les décisions du tribunal administratif et les normes internationales d’indépendance de la justice, et que le mouvement ne sera pas entaché par des considérations politiciennes et marqué par l’intervention de l’exécutif pour consacrer un pouvoir judiciaire dépendant au service de son propre agenda et non pas de l’intérêt national.»
De son côté, le président de l’Association des jeunes magistrats (AJM), Mourad Messaoudi, a déclaré, le même jour et à la même radio, que le retard pris par l’annonce du mouvement judiciaire est injustifié, d’autant plus que le CSPM l’a fait parvenir à la présidence de la république depuis quelque temps, constatant que «le retard nuit aux intérêts des magistrats et de leurs familles».
Mourad Messaoudi pense que le retard dans l’annonce du mouvement judiciaire s’explique par le refus de la présidence de la république d’appliquer les décisions rendues par le tribunal administratif relatives à la réintégration de la plupart des juges révoqués par décret présidentiel.
Selon lui, ce refus est un «acte illégal» à motivation essentiellement politique, et qui traduit le passage à l’Etat de non-droit, d’absence des institutions ou de leur soumission aux désidératas du président de la république.
S’il n’y a pas de mouvement judiciaire cette année, cela créerait de nombreux problèmes et nuirait aux juges et aux justiciables, car il y a de nombreux postes vacants dans un certain nombre de tribunaux, a déclaré le président de l’AJM, soulignant que les structures représentatives des juges prendront une position ferme à ce propos.
La présidente de l’Union des juges administratifs (UMA), Refka Mbarki, a confirmé, pour sa part, que le pouvoir exécutif ne veut pas appliquer la décision du tribunal administratif d’annuler la révocation de la majorité des juges concernés par le décret présidentiel, ce qui a causé le retard dans l’annonce du mouvement judiciaire et pourrait même aboutir à son annulation.
Il est à noter que le CSPM a inclus dans le mouvement judiciaire les juges concernés par la décision du tribunal administratif annulant leur révocation, mais le pouvoir exécutif ne veut pas respecter cette décision.
https://kapitalis.com/tunisie/2022/07/08/tunisie-friture-sur-la-ligne-entre-les-magistrats-et-le-ministere-de-la-justice/
La présidente de l’UMA a d’ailleurs qualifié le retard enregistré dans le mouvement judiciaire d’«inacceptable», tout en réitérant son refus du non-respect des décisions du tribunal administratif par le pouvoir exécutif qui est censé veiller à leur exécution.
I. B.
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