En vertu de la nouvelle loi électorale, la prochaine assemblée tunisienne comptera 56 députés en moins. Un parlement qui s’est rétréci au «lavage», mais sera-t-il mieux représentatif? C’est la question qui mérite d’être posée tellement le flou entoure certaines dispositions de la nouvelle loi promulguée le 15 septembre 2022 par simple décret du président de la république Kaïs Saïed, sans explication consistante sur leur conception et leur portée.
Par Samir Gharbi
Le but était de rapprocher les citoyens de leurs élus respectifs, mais est-ce possible quand la nouvelle assemblée nationale sera composée de 161 députés, contre 217 auparavant? Est-ce possible quand un député représentera une circonscription plus vaste?
Il n’y a qu’à lire avec attention les «annexes» publiés en fin du décret 55-2022 sans aucun accompagnement.
Que ne fait-on pas au nom du peuple !
Les deux tableaux «annexés» sont en fait une modification du décret 2011-1088 du 3 août 2011 portant sur la délimitation des circonscriptions électorales. Ce qui n’est pas «catholique» en matière juridique ! D’autant que le décret portant ces annexes ne mentionne nullement le décret de 2011 auquel il se substitue… Allez comprendre le pourquoi du comment.
La nouvelle loi ne précise même pas le nombre total de députés de la nouvelle assemblée (161), comme c’est le cas dans celle de 2011 (article 1er : «le nombre total des sièges est de 217»). Pour obtenir 161, il faut que chacun fasse l’addition de toutes les colonnes des deux annexes…
La loi de 2011 explique l’affectation du nombre de députés selon la taille démographique de chaque circonscription avec un ajustement à caractère politique pour gonfler ou rétrécir la représentation de telle ou telle circonscription. Exemple : les Tunisiens de France étaient représentés par 10 députés. Ils le seront en 2022 seulement par 3, soit 7 en moins. Ceux de la capitale Tunis passent de 17 à 13, de Bizerte de 9 à 7, de Gasfa de 7 à 4…
Tous ces changements peuvent être justifiés par ceux qui les ont conçus. Mais pourquoi le «peuple», dont on chante les louanges, n’a-t-il pas le droit de comprendre ce qui s’est passé?
Une belle gabegie, comme toujours
De même, l’idée que les candidats à la députation obtiennent au préalable le parrainage de 400 citoyens de leur localité est très bonne en soi. Mais comment respecter les critères bien précis de la répartition de ces 400 quand on veut être un député représentant les Amériques (le Nord, le Centre et le Sud), ou un député représentant tout le continent africain ou tout le monde arabe ou encore toute l’Asie ? Comment parviendra-t-il à équilibrer le nombre de ses 400 parrains selon le sexe et l’âge, comme l’exige la nouvelle loi électorale ? Mystère. Il y a certes Internet, mais tout de même !; surtout si les signatures des «parrains» doivent être légalisées!
Comment le candidat pourra-t-il proposer dans son dossier de candidature «un programme électoral», adapté bien sûr à sa circonscription, un programme sur lequel il va être jugé ultérieurement au risque d’être «limogé» par un certain nombre de ses électeurs au cas où il ne le tiendra pas ?
Il est certain que le «système D», cher aux Tunisiens, va fonctionner à plein régime d’ici les législatives anticipées du 17 décembre prochain et celles qui vont suivre. Et ce sera une belle gabegie, comme toujours !
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