Alors que le monde entier se tourne vers les énergies renouvelables, dont les coûts ne cessent de baisser, la Tunisie continue de compter exclusivement sur l’énergie fossile.
Par Mohamed Cheikhalifa *
Alors que lors des deux dernières années d’effondrement des prix du pétrole, du gaz naturel et du charbon ont déclenché une réduction spectaculaire des effectifs dans leur industrie respective, les énergies renouvelables sont en plein essor. L’investissement dans l’énergie propre a battu de nouveaux records en 2015 et il est maintenant deux fois plus important que le financement global des combustibles fossiles. L’une des raisons est qu’elle est de moins en moins chère à produire. Les récentes ventes aux enchères des secteurs solaire et éolien, au Mexique et au Maroc, ont été emportées par des soumissionnaires qui ont promis de produire de l’électricité au tarif le moins cher, comparé à toute autre source.
Bien que nous soyons dans un environnement de bas prix pour le pétrole, cela n’entraîne pas, pour autant, la relâche des investissements dans les énergies renouvelables ! Rien que pour 2015, les capacités de production d’électricité solaire ont grimpé de 37% !
Les subventions gouvernementales ont aidé les énergies éolienne et solaire à prendre pied sur les marchés mondiaux de l’énergie, mais les économies d’échelle sont le véritable moteur de la baisse des prix : le coût de l’énergie solaire est tombée à 1/150e de son niveau dans les années 1970, alors que la puissance du solaire installé a grimpé de 115.000 fois ! Quand les prix du solaire baissaient, les installations explosaient : la production d’énergie solaire domine de plus en plus. C’est une technologie, et pas un carburant. En tant que tel, l’efficacité augmente et les prix diminuent à mesure que le temps passe. De plus, le prix des batteries pour stocker l’énergie solaire lorsque le soleil ne brille pas, est en baisse selon une courbe tout aussi stupéfiante.
Depuis 2000 seulement, la quantité d’électricité produite mondialement par l’énergie solaire a été septuplée. Même l’énergie éolienne, qui était déjà installée, a quadruplé au cours de la même période. Pour la première fois, les deux formes d’énergies renouvelables arrivent à se concurrencer directement sur le prix et l’investissement annuel.
A titre d’exemple, le Mexique qui a vu sa capacité de production d’énergie solaire, augmenter de 521% pour 2015, vient de conclure un appel d’offre international pour se faire livrer, pour 2018, de l’électricité de 11 centrales solaires PV, pour plus de 4 TWh/an (plus du quart de la consommation annuelle en Tunisie) , à 45,15 $ les 1000 kWh, soit moins de 100 de nos millimes le kWh !
Pendant ce temps, les combustibles fossiles se font tuer par la baisse des prix et, plus récemment, la baisse des investissements. Seuls les pays en développement qui ont une demande d’énergie en expansion rapide, augmentent encore leur utilisation du charbon, mais à un rythme ralenti.
Plus récemment, c’est l’industrie du pétrole et du gaz qui a fait l’objet d’attaques. Les prix ont chuté et les investissements ont commencé à baisser. Le nombre de plates-formes pétrolières actives aux Etats Unis est tombé le mois dernier à son niveau le plus bas depuis le début de leur enregistrement dans les années 1940.
L’énergie renouvelable est en expansion à un rythme record :+ 8,3 %, soit une augmentation de capacité de production pour 152 GW à travers le monde, pour la hisser à 1 985 GW à fin 2015 !
La voiture tout-électrique est un signe avant coureur pour la fin proche du carburant fossile. Le gaz naturel sera toujours nécessaire quand le soleil ne brillera pas et que le vent ne soufflera pas, mais même cela va changer car les batteries de taille industrielle deviennent moins chères.
Les plus grands experts de l’énergie continuent de sous-estimer ce que l’éolien et le solaire peuvent faire. Depuis 2000, l’Agence internationale de l’énergie a augmenté 14 fois ses prévisions à long terme pour le solaire et pour l’éolien, 5 fois. Chaque fois que l’énergie éolienne mondiale double, son coût chute de 19 %, et chaque fois que l’énergie solaire double, ses coûts diminuent de 24%.
Seule la Tunisie reste à la traîne, est-ce que c’est la volonté politique qui freine? Malgré le boom décrit ci-dessus, le distributeur national, pour renflouer sa puissance de production, a opté pour le recours, comme toujours, au fossile et a procédé à l’acquisition d’une capacité de 250 MW de carburant au gaz, en février dernier, pour faire face, pensait-il, au pic de la saison touristique? Abscons, non?!
* Macroéconomiste.
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