Dans cette interview, Amine Mati, chef de mission auprès du FMI pour la Tunisie, explique les recommandations faites par son organisation à la Tunisie.
Extraits traduits de l’anglais par Marwan Chahla
IMF Survey: Le Fonds monétaire international (FMI) a accordé à la Tunisie un nouveau prêt de 2,9 milliards de dollars. Pouvez-vous nous citer quelques unes des recommandations que le FMI a soumis à la Tunisie pour que le pays puisse créer plus d’emplois, étant donné que la moyenne nationale du taux de chômage atteint les 15% et qu’elle s’élève à 35% parmi les jeunes Tunisiens?
Amine Mati: Afin de convaincre le secteur privé d’investir et de créer ainsi plus d’emplois, de nouvelles politiques macro-économiques et des réformes structurelles devront être mises en œuvre. A ce point en Tunisie, rétablir la confiance des investisseurs –qui a été affaiblie par les incertitudes politiques et les défis sécuritaires – est une priorité essentielle. Il importe également de transformer le très ancien modèle de développement tunisien – un système fondé sur l’intervention très étendue de l’Etat qui a conduit à la création d’une économie dépendante des exportations à faible valeur ajoutée, une réglementation excessive et une compétition limitée.
Ce changement nécessite que le nouveau code des investissements soit achevé au plus vite et que la nouvelle loi sur la concurrence entre en vigueur.
Le pays peut aussi envisager de créer de partenariats privé-public qui pourront intéresser le capital privé aux projets d’infrastructure.
Toutes ces améliorations apportées au climat des affaires dans le pays, appuyées par un allègement plus étendu des législations actuelles, renforceront le développement du secteur privé et signifieront aux investisseurs nationaux et internationaux que la Tunisie est ouverte et qu’elle est prête à faire des affaires.
Réformer le marché du travail sera également indispensable, mais créer le consensus autour de cette approche exigera certainement du temps.
En attendant, les autorités ont lancé un certain nombre de programmes de développement du marché du travail – par exemple, dans les domaines des travaux publics et de la micro-finance – et des programmes de formation professionnelle qui pourront réduire le nombre des sans-emplois parmi les diplômés universitaires.
Une partie du programme de réforme vise l’augmentation des emplois dans les régions de l’intérieur du pays. Dans quelle mesure pensez-vous qu’une réforme du service public pourrait contribuer à cela ?
Tout d’abord, permettez-moi de rappeler que la réforme du service public est la priorité numéro un sur laquelle s’accordent tous les principaux acteurs avec lesquels nous nous sommes entretenus, et il n’y a rien d’étonnant que cette priorité figure en tête de la vision économique des autorités.
Tous les acteurs reconnaissent les faiblesses de la qualité des services publics et la non-viabilité de leur fardeau salarial, qui représente 65% des revenus fiscaux, 14% du PIB et 45% du total des dépenses publiques.
La réforme – qui a pour objectifs d’accroître les efficacités du secteur public et d’améliorer la qualité de ses services – prendra en considération plusieurs aspects, y compris le statut des hauts fonctionnaires, la révision de la grille des salaires, une meilleure corrélation salaire-performance et les redéploiements dans les régions mal desservies de l’intérieur. Elle contribuera aussi à ramener l’enveloppe salariale à 12% du PIB vers 2020, créant ainsi l’espace fiscal nécessaire qui permettra de doubler l’investissement public.
La réforme du service public est une mesure indispensable pour créer la croissance mais cette démarche ne peut réussir que si un large consensus est construit. Et cela, à son tour, requiert des réformes dans d’autres domaines importants.
Par exemple, la réforme du secteur public doit être accompagnée par une réforme du système fiscal afin d’en accroître l’équité, en élargissant sa base et en augmentant le pouvoir d’achat des contribuables à faible revenu –en élevant, par exemple, le seuil de l’impôt sur le revenu. Ainsi que les autorités l’admettent, l’application de la réforme est essentielle car seul le secteur privé est capable de créer des emplois durables –et non pas le secteur public.
Estimez-vous que l’on est en train de faire suffisamment pour combattre la corruption et pour renforcer la bonne gouvernance en Tunisie?
Renforcer la gouvernance est une priorité pour le gouvernement. L’amélioration des dispositions de la lutte contre la corruption et en faveur de la bonne gouvernance a été également garantie par la nouvelle constitution tunisienne. A présent, le défi auquel le pays fait face réside dans la mise en pratique de toutes ces mesures et dans la manière d’aller de l’avant. Pour répondre à ces préoccupations, les autorités tunisiennes sont en train de rédiger une loi qui mettra sur pied une instance constitutionnelle indépendante de haut niveau qui se chargera de cette lutte anti-corruption.
D’ici la fin de l’année, une nouvelle loi offrira la protection requise aux divulgateurs d’actes répréhensibles, réglera les conflits d’intérêts au sein du secteur public et exigera une transparence financière des hauts commis de l’Etat.
Le travail de l’amélioration la gestion de la finance publique et l’augmentation de la publication des documents gouvernementaux développeront la transparence et renforceront la gouvernance. Un nouveau ministère de la fonction publique et de la bonne gouvernance, établi il y a trois mois, aidera à mettre en œuvre cette réforme.
Le programme du FMI soutiendra les autorités dans ce domaine, notamment en appuyant leurs efforts dans la lutte contre le blanchiment d’argent et leur combat contre le financement du terrorisme.
Source: ‘‘IMF Survey’’.
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