Avec son profil de gendre idéal, Youssef Chahed reste peu connu des Tunisiens. Avec lui, la scène politique tunisienne effectue enfin sa transition générationnelle.
Poli, avenant et lisse, ce quadra BCBG a été jusque-là presque invisible. Et pour cause : il n’est pas du genre à faire des déclarations tonitruantes ou à s’afficher dans les médias. Et si c’était l’homme qu’il faut et au moment qu’il faut pour provoquer un choc salutaire dans la scène politique tunisienne jusque-là dominée par des dinosaures ?
Officiellement désigné mercredi par le président de la république Béji Caïd Essebsi pour former le gouvernement d’union nationale, Youssef Chahed est né le 18 septembre 1975 à Tunis.
Ministre des Collectivités locales dans le gouvernement Habib Essid depuis 2016, il avait occupé auparavant les fonctions de secrétaire d’Etat à la Pêche dans le même gouvernement depuis février 2015.
Ayant entamé sa carrière politique après la révolution du 14 janvier 2011, il a cofondé le Parti Républicain (Al-Joumhouri) en 2012 et fait partie de son bureau politique. Ayant rejoint le mouvement Nidaa Tounes en 2013, il est devenu membre de son bureau exécutif chargé du programme politique de la campagne électorale présidentielle en 2014.
Resté à l’écart des tiraillements et des querelles ayant divisé ce parti, c’est lui que le président Caïd Essebsi a choisi, en novembre 2015, pour présider de la Commission des 13 membres de Nidaa Tounes chargée de mettre fin à la crise. On ne peut pas dire qu’il a réussi dans cette mission, puisque le parti, véritable panier à crabes, a fini par imploser, enregistrant une longue série de démissions. Et la saignée ne semble pas près de s’arrêter…
Youssef Chahed a obtenu en 2003 un doctorat d’Etat en agro-économie à l’Institut national agronomique Paris-Grignon en France, après avoir obtenu en 1999 un diplôme d’études approfondies (DEA) en économie de l’environnement et ressources naturelles.
De 2003 à 2014, il a travaillé comme expert international en agriculture et en politiques agricoles, auprès d’institutions internationales comme l’Union européenne et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il s’est spécialisé depuis 2003 dans le suivi des politiques agricoles en Tunisie et au Maroc en coordination avec les ministères de l’Agriculture des deux pays. Il a aussi mis en place des politiques de coopération en matière de sécurité alimentaire et de développement du partenariat agricole entre la Tunisie et les Etats-Unis.
Au niveau universitaire, il a travaillé comme professeur assistant à l’université de Rennes 1 en France de 2002 à 2003 et professeur en agro-économie à l’Institut supérieur d’agriculture en France de 2003 à 2009.
Youssef Chahed a été également professeur visiteur dans de nombreuses universités dans le monde, comme à Tokyo ou à Sao Paulo et compte plusieurs publications et contributions dans des manifestations scientifiques mondiales.
Youssef Chahed est marié et père d’une fille. Mais si beaucoup de quadras s’identifient volontiers à lui et estiment que sa nomination est un signe fort en direction des jeunes, beaucoup émettent des doutes quant à ses capacités intrinsèques de faire évoluer une administration dont l’immobilisme rime avec corruption et rente de situation. Son inexpérience politique risque aussi d’en faire un simple exécutant des instructions venues du Palais de Carthage ou, pire encore, du QG de Nidaa Tounes où sévit un Hafedh Caïd Essebsi plus que jamais déterminé à pousser ses pions dans les hautes sphères de l’Etat.
Pour juger des réelles capacités de Youssef Chahed à se libérer de l’ombre tutélaire des Caïd Essebsi, on attendra de voir la composition de son gouvernement: ses membres seront-ils choisis selon une vision des priorités et une volonté de changer les méthodes et les process jusque-là en vigueur, ou leurs noms seront-ils dictés par les faiseurs de rois habituels?
I. B.
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