La présidente de l’Association des femmes tunisiennes mathématiciennes (AFTM) rend hommage au grand mathématicien Abbas Bahri, mort le 10 janvier 2016 à New York.
Par Saïma Khenissy *
Le professeur, l’éminent mathématicien hors-pair Abbas Bahri nous a quittés à jamais et trop tôt. Il n’avait que 61 ans.
L’AFTM rend hommage à cet homme exceptionnel, mathématiquement et humainement parlant. Il faut avoir assisté une fois à ses conférences ou à son cours pour réaliser l’immensité du génie mathématique de Abbas Bahri. Une fierté nationale. Un drapeau tunisien. Un homme patriote qui n’a cessé de tisser les liens mathématiques avec les jeunes chercheurs tunisiens et on est ravi, heureux et fier de voir qu’il a fait école en Tunisie, une école qui le perpétuera. Un de ses anciens étudiants français à l’Ecole Polytechnique, Olivier Rey, mathématicien et philosophe, ébranlé par la disparition de Abbas déclare : «J’ai eu la chance d’avoir Abbas comme jeune professeur à Polytechnique, il était exceptionnel!».
La communauté mathématique en Tunisie et dans le monde est endeuillée par sa disparition et elle est bien triste.
J’ai eu la chance d’être initiée à la Théorie des Points Critiques à l’Infini de Abbas Bahri pendant mes études de troisième cycle en France par son élève Olivier Rey avec qui j’ai fait une partie de ma thèse de doctorat sur l’équation de Bahri-Coron. Depuis, j’ai toujours été subjuguée par le talent mathématique de Abbas Bahri. Quand Abbas Bahri, en tant que spécialiste d’équations aux dérivées partielles, ne comprend pas une chose, il va tout comprendre. Il va sonder dans la géométrie, dans la topologie, dans l’algèbre, dans la topologie algébrique et s’il ne trouve pas de réponses à ses questions, il va aller au-delà et fonder la théorie mathématique nécessaire. En cela, c’est un savant passionné et certes surdoué.
Un de ses brillants étudiants tunisiens, Abdellaziz Harrabi, relate : «Notre grand maître Abbas Bahri a toujours dit et redit que le travail est l’essence de l’Homme, et il est sa noblesse et son accomplissement; le travail continu, acharné, résistant, silencieux, persévérant et qui ne recule devant rien. Nous avons trébuché, nous avons douté. Il n’a jamais douté. C’est lui qui avait raison et nous avions tort. Et, pourtant, il n’a cessé de se consacrer à nous. Il n’a cessé d’être là pour nous, jusqu’à la fin».
L’AFTM appelle tous les Tunisiens et la communauté mathématique tunisienne à se mobiliser pour recueillir tous les livres, les articles et les écrits mathématiques de Abbas Bahri. Les Tunisiens sont responsables de cet héritage scientifique et se doivent de l’honorer, de le faire vivre et le faire avancer.
Ces dernières années, Abbas Bahri a mis en place un chantier mathématique gigantesque dont je doute fort que même les mathématiciens aux Etats Unis d’Amérique ont pu suivre et saisir. Il faudra mettre en place, en Tunisie, une formation mathématique de deuxième et troisième cycle (mastère et doctorat) basée sur les théories mathématiques développées par Abbas Bahri. Il faudra installer définitivement l’Ecole Mathématique de Abbas Bahri en Tunisie. Il sera excellent que cette école ait trois pôles : Tunis, Kairouan et Sfax, puisque les étudiants de Abbas Bahri occupent ces trois pôles. Voilà ce qui serait un hommage digne de ce grand mathématicien.
En mars 2015, à l’occasion de son soixantième anniversaire organisé à Hammamet et qui correspond à sa dernière visite en Tunisie, Abbas Bahri a insisté: «C’est une excellente idée, il faut mettre en place l’Association des femmes tunisiennes mathématiciennes (ATFM), il faut encourager la femme tunisienne à aller de l’avant dans la recherche mathématique, elle est compétente et elle réussira». Ses mots raisonnent encore dans mon esprit.
Merci Abbas, merci pour ton humanité et ton amour de la Tunisie. Merci pour tes belles théories mathématiques.
* Présidente de l’AFTM.
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