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‘‘Les Intranquilles’’ de Azza Filali : Le roman inachevé d’une révolution usurpée

Azza-Filali

‘‘Les Intranquilles’’ de Azza Filali dépeint une société tunisienne post-révolution malade mais «tranquille» ou passive, à l’image de sa révolution usurpée, inachevée et sans espoir de réussite.

Par Mohamed Nafti

Parue en 2014, ‘‘Les Intranquilles’’, dernier roman de la Tunisienne Azza Filali, connaît un premier succès qui a nécessité une deuxième édition en 2015.

L’auteur est médecin de formation et de profession, un métier qui n’est pas du tout différent de celui de romancière car tous deux portent en leur for intérieur cette vocation de l’homme (ou de la femme) qui est d’être utile à ses semblables.

Facile à lire, le livre de 241 pages est aussi agréable à conserver dans une bibliothèque personnelle. Mais loin des méandres de la critique littéraire, travail des professionnels, cet article se propose de présenter une lecture personnelle de cette œuvre originale.

Roman atypique d’une révolution atypique

‘‘Les Intranquilles’’ est un livre très passionnant à lire. Présenté par les éditeurs et les critiques littéraires comme une image de la société tunisienne de la période post-révolution, il pourrait susciter une autre lecture.

Comme son titre l’indique, ‘‘Les Intranquilles’’ (terme rarement utilisé dans la langue française) est un roman atypique dans sa structure et son développement. Dans la face émergée du roman, l’auteur dépeint une société tunisienne malade mais «tranquille» ou passive. Mais dans sa partie profonde, on sent que l’auteur nous emporte dans un hymne mélancolique qui chante l’intranquilité de la révolution usurpée, inachevée et sans espoir de réussite.

Ce roman atypique n’a pas un personnage principal mais plusieurs. Des femmes et des hommes de la classe moyenne mais aussi des laissés-pour-compte qui tiennent les rôles importants dans le récit. C’est, on l’a compris, une allusion à la nature de la révolution tunisienne qui n’était pas l’œuvre d’un «zaïm» (leader) rassembleur ou d’un chef charismatique mais celle d’une foule de jeunes «intranquilles» et résolus. Une révolution atypique qui a généré un roman atypique.

Le goût inachevé d’une révolution usurpée

En développant les idées du roman, l’auteur a imprégné à ses personnages une attitude passive, une certaine «tranquillité» et un flegme face aux méfaits de leurs semblables (société). Le lecteur s’attend chaque fois à une réaction violente des personnages face aux malfaiteurs mais rien ne se produit. Hechmi, qu’on a mis en prison et à qui on a usurpé sa belle femme, accepte ce destin tranquillement. Pis : il consent à servir son usurpateur. Encore une fois, l’insidieuse analogie qui permet d’éveiller, sans en faire expressément mention, l’idée de cette révolution usurpée.

Au fil des pages du roman, l’auteur n’a pas daigné un seul instant finir l’action de ses différents personnages légitimes (les bons) pour nous laisser un goût d’inachevé. Ce sentiment qu’on porte toujours avec tristesse dans nos propres âmes, cette révolution inachevée.

D’autre part, si la romancière nous représente la réalité de notre société de la façon la plus fidèle, sans artifices et sans idéalisation des personnages choisis dans les classes moyennes et populaires, n’est-elle pas influencée par le courant du réalisme littéraire apparu en 1850 en France, juste deux années après la Révolution de 1848 ?

Espérons, toutefois, que l’histoire ne se répétera pas pour assister à un coup d’Etat comme celui de Napoléon II en 1851 et pour voir la Tunisie se transformer en Empire d’illusion ou en 6e Califat.

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