L’entrée du zoo du Belvédère.
Selon une campagne orchestrée sur les réseaux sociaux, il y aurait au parc zoologique du Belvédère des animaux affamés! Vérification faite, c’est archi-faux !
Par Zohra Abid
Des internautes, sans doute animés de bonnes intentions, ont partagé, sur les réseaux sociaux, des photos d’animaux fatigués presque mourants, en affirmant qu’il s’agit d’animaux hébergés au parc zoologique du Belvédère, à Tunis.
Les photos ont été reprises, sans vérification, par des journaux en ligne (à l’instar de « Highlights »), qui ont largement relayé l’intox. Buzz facile et, surtout, idiot, qui en dit long sur le professionnalisme de ces confrères, qui aiment faire du journalisme bien au chaud…
L’une des photos qui a fait jaser: cliché pris pendant la canicule de midi.
Une pétition sur fond d’intox
Comme on devait s’y attendre, des citoyens ont été choqués par les images des animaux au chapitre de l’agonie. Ils se sont mobilisés pour rédiger et mettre en ligne une pétition au titre catastrophiste : «Le Belvédère de Tunis, un enfer pour les animaux», qui a été largement diffusée par l’association La Voix des animaux.
Cette pétition a été signée en un temps record par des milliers de citoyens et accompagnée de commentaires d’indignation, dénonçant en des termes peu amènes un Etat incapable d’entretenir même des animaux en cage, et reprenant cette citation de Lamartine «On n’a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a du cœur ou on n’en a pas».
Un parc plutôt propre et bien entretenu.
On a même appelé à un rassemblement de protestation devant le parc zoologique du Belvédère dimanche 24 septembre , à 11 heures, pour appeler au respect des animaux qui y sont hébergés.
Il est vrai qu’à voir les photos des animaux partagées par les internautes et certains médias, on ne peut qu’être choqués. Reste que tout ce beau monde a omis de faire le nécessaire, dans pareil cas, à savoir aller enquêter sur place. Et c’est ce que nous avons fait, mais grande fut notre surprise en retrouvant une réalité beaucoup moins alarmante. On peut même affirmer que le parc zoologique du Belvédère est plutôt bien tenu et les animaux y coulent des jours tranquilles. S’ils ne sont pas gavés de nourriture, ils sont loin d’être affamés. Très loin même…
L’hippopotame prend de l’âge et il sera difficile de le remplacer.
Le zoo du Belvédère, qui est situé à la lisière de Tunis, accueille quotidiennement des milliers de visiteurs, grands et petits, qui s’y rendent souvent pour s’aérer l’esprit dans un immense parc planté de centaines d’espèces végétales. Il est plutôt propre et bien entretenu.
En ce qui concerne l’hygiène des animaux, il n’y a vraiment pas grand-chose à signaler. Des panneaux de signalisation partout, les clôtures en fer forgé bordant les cages ont été récemment remplacés, pas moins d’une vingtaine de caméras installées dès l’entrée du parc, des poubelles dans tous les coins et recoins… Sur notre chemin, pas même un papier mouchoir par terre. Pas d’odeur nauséabonde se dégageant des cages des animaux. Des visiteurs de tous âges et des cafés qui ne désemplissent pas.
Les lions sont vieux, mais ils n’ont rien perdu de leur majesté.
Les animaux mangent à leur faim
Ces animaux mangent-ils à leur faim ? Réponse de l’un des 78 employés du zoo, salariés de la municipalité de Tunis : «Nous avons 2 vétérinaires, l’un à plein temps et qui habite au parc, et l’autre est présent toute la journée, pendant les heures administratives. Et c’est le vétérinaire qui nous prescrit, tous les jours, la dose nécessaire d’alimentation pour chaque animal. Sachant que les jeunes animaux mangent davantage que ceux qui avancent dans l’âge».
Y a-t-il vraiment un manque de nourriture? Réponse: «Non, tous les animaux sont bien nourris, chaque espère selon son régime spécifique.»
Chaque espèce a son régime alimentaire et tout est sous la supervision de deux vétérinaires.
D’où viennent alors les photos d’animaux affaiblis et somnolents partagées sur les réseaux sociaux? Réponse de notre interlocuteur : «Elles ont sans doute été prises durant l’été et à la mi-journée, quand il fait très chaud et que les animaux s’étendent souvent à l’ombre pendant les heures de grande chaleur».
Des animaux menacés de disparition
Nous avons, en effet, sillonné le parc en long et en large et rien ne nous a vraiment choqués. Sauf le nombre des animaux, qui diminue d’une année à l’autre. Les bêtes qui meurent ne sont pas toujours remplacées. Il y a, à titre d’exemple, un seul hippopotame dans ce parc et, à sa mort, cette espèce disparaîtra du zoo. Et ce serait dommage, surtout pour les enfants qui sont souvent impressionnés par cet animal géant.
«On ne peut pas toujours remplacer les animaux qui meurent. Certains coûtent des centaines de milliers de dinars et les prix augmentent sans cesse, car certaines espèces deviennent rares. Menacées d’extinction, elles sont protégées. C’est là un phénomène mondial», nous explique un employé de la municipalité de Tunis. Qui se plaint de la grande charge de travail et admet l’existence d’un problème d’effectif. «Avant la révolution, nous étions 270 employés, mais la plupart ne servaient à rien car ils n’avaient pas été formés à l’école vétérinaire de Sidi Thabet. Ils passaient la journée à tourner les pouces. Aujourd’hui, le nombre a certes beaucoup diminué mais tout le monde est formé et tout le monde travaille. D’ailleurs, notre situation a été régularisée par la mairie après l’intervention du ministère de tutelle», explique notre interlocuteur.
Les singes attirent toujours parents et enfants.
Retour sur une polémique
A l’image du pays, le parc zoologique est passé par une période difficile, marquée par l’abandon et le laisser-aller. Un crocodile a même été tué par des visiteurs, en février dernier, dont l’image a été diffusée dans le monde entier et a provoqué une grosse polémique. Un rassemblement a même eu lieu devant le zoo et des citoyens se sont mobilisés pour la défense des animaux et ont exigé l’ouverture d’une enquête sur cette affaire.
Le 5 mars dernier, soit quelques jours après la lapidation de la ête, le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Riadh Mouakhar, s’est rendu au zoo avec son équipe, ainsi que des responsables de la mairie de Tunis. Le zoo a été fermé provisoirement et des travaux d’entretien y ont été menés, qui ont duré un mois.
Le fameux lac intérieur qui adoucit l’air du parc.
Ouvert de nouveau au public depuis le 7 avril dernier, il ne désemplit pas. Et on n’y a enregistré aucun incident. Et c’est tant mieux ainsi. Quant à l’histoire des animaux affamés, elle est à inscrire dans le bêtisier des médias tunisiens…
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