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La «crève» de l’UGTT a réussi : La Tunisie crève et on crie victoire !

Après avoir atteint le fond, faut-il encore creuser? De quelle victoire l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) peut se targuer si elle prépare déjà une autre grève? Sans dialogue et concessions réciproque, ce sera la crève pour tous.

Par Tarak Arfaoui *

J’ai beau cogiter et tourner le terme dans tous les sens, je n’arrive pas à croire que «grève» peut s’accorder avec réussite. La grève est le résultat d’un échec et un échec ne peut en aucun cas être une réussite.

«El-Idhrab Najah»! (La grève a réussi), slogan dans la bouche de tous les (ir)responsables syndicalistes, répété non sans fierté sur tous les médias, le soir même de la triste journée du 17 janvier 2019, dans des scènes de triomphalisme indécent.

Faire plier le gouvernement ou détruire un pays ?

Comme l’a si bien dit un humoriste, comme ils ne font rien toute l’année, les syndicalistes en grève appellent cela une journée d’action.

De quelles actions sont fiers les syndicalistes?

De quelle réussite parlent ces vénérables militants qui se battent jour et nuit pour le bien de la Tunisie?

La réussite d’avoir paralysé tout un pays qui est au bord de l’abîme?

La réussite de donner le coup de grâce à une économie chancelante?

La réussite d’avoir mis dans la rue des dizaines de milliers d’élèves dont l’année scolaire est presque perdue ?

La réussite de ternir l’image déjà peu reluisante de la Tunisie vis-à-vis des investisseurs de tout bord?
Joutes politiques sur fond de populisme

Il est clair que ce qu’ils appellent une réussite est un travail de sape non pas pour faire plier le gouvernement mais plutôt pour provoquer sa chute et de dicter leurs propres directives politiques à tout le pays. Il ne fait pas de doute que l’action syndicale dans ce pays s’est malheureusement transformée en des joutes politiques sur fond de populisme et d’hypocrisie.

Noureddine Taboubi, ci-devant secrétaire général de l’UGTT, un grand politicien doublé d’un expert en finances et économie, profitant de la petitesse des hommes politiques de la place, s’est découvert subitement des dons de leader politique. Il se déplace de meeting en meeting en voiture de luxe sous bonne escorte d’une cohorte de gardes du corps, haranguant les foules, titillant la fibre sensible des travailleurs par un langage trivial, indécent, qui ne sied nullement à un responsable syndical. La meilleure formule indigne de son statut est celle récemment employée pour refuser les ordonnances gouvernementales de réquisition : «Inefakhhom ou yochrob mahoum» (littéralement : Qu’il les infuse et les boit).

Je n’ai jamais entendu M. Taboubi parler ni de la culture du travail ni des devoirs des travailleurs ni de la lutte contre l’absentéisme – un véritable fléau – ni de la déchéance des caisses sociales ni du sureffectif de la fonction publique. Ses diatribes antigouvernementales n’ont qu’un seul but: un bras-de-fer à mort avec le gouvernement avec l’aide de quelques hypocrites de certains partis pour provoquer sa chute.

Le langage arrogant de Taboubi et Cie

Sans être partial, il y a vraiment un monde entre l’attitude de l’UGTT et celle du gouvernement qui, il faut bien le souligner, malgré tous ses travers, n’a jamais refusé le principe des augmentations salariales et n’a jamais fermé la porte au dialogue. Sans être un fan de Youssef Chahed ni satisfait de l’action de son gouvernement, j’ai été agréablement surpris par la réaction du Premier ministre avant, pendant et après la grève, commentant les événements avec lucidité, pondération par un discours respectueux et positif vis-à-vis de la centrale syndicale, a mille lieux du langage arrogant de Taboubi et Cie.

Maintenant que la grève est passée, dieu merci sans dégâts immédiats, que nous réserve la centrale syndicale ? On parle déjà du fameux «tasi’id», une escalade menant sans aucun doute vers une impasse qui aura des conséquences désastreuse pour le pays.

Après avoir atteint le fond, faut-il encore creuser? De quelle victoire l’UGTT peut se targuer si elle prépare déjà une autre grève? Sans dialogue et concessions réciproque, ce sera la crève pour tous.

* Médecin de libre pratique.

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