Le président turc Recep Tayyip Erdogan, accompagné d’une forte délégation, est arrivé aujourd’hui, mercredi 25 décembre 2019, à Tunis, dans le cadre d’une «rencontre non divulguée auparavant» avec le président Kaïs Saïed, selon quotidien anglophone turc Daily Sabah.
Par Imed Bahri
La même source précise que le président turc est accompagné par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, MM. Mevlut Cavusoglu et Hulusi Akar, respectivement, le chef du Renseignement Hakan Fidan, le directeur de la Communication présidentielle Fahrettin Altun et le porte-parole de la présidence turque Ibrahim Kalin.
Le Daily Sabah rappelle, dans ce contexte, qu’Ankara soutient le gouvernement d’union nationale (GNA) conduit par Fayez Sarraj, formé sous l’égide de l’Onu, mais adossé à des milices islamistes armées, «contre les milices et les mercenaires dirigés par le chef militaire autoproclamé Khalifa Haftar» (sic!), selon les termes du journal turc, et que, le 27 novembre dernier, Erdogan et Sarraj ont signé, à Istanbul, un accord controversé relatif à la délimitation maritime entre les deux pays et un autre, tout aussi controversé, portant sur la coopération sécuritaire et autorisant l’envoi d’une éventuelle aide militaire turque..
Bruits de bottes turques en Libye
Par son timing et par l’importance que semble lui accorder la partie turque, cette visite, plus ou moins «imposée» par Ankara, pose un certain nombre de problèmes.
D’abord, Ankara s’apprête à envoyer des troupes en Libye. Dans ce contexte, une loi va être examinée incessamment par le parlement turc, qui va légaliser cette intervention militaire, sachant que la Turquie a déjà envoyé au gouvernement Sarraj et aux milices islamistes à l’ouest de la Libye des quantités d’armes pour les soutenir contre les troupe de Haftar.
Ensuite, le président Saïed, dont l’expérience des affaires internationales est limitée, doit se garder de se laisser embarquer par son homologue turc dans le bourbier libyen, et ce en respectant la position tunisienne dans cette affaire, à savoir la neutralité totale, le maintien de contacts avec toutes les parties-prenantes du conflit et le rejet de toute solution militaire dont la Tunisie pourrait payer les frais, notamment en termes d’afflux de réfugiés, mais pas seulement.
La Tunisie ne doit pas se laisser entraîner dans le bourbier libyen
M. Saïed ne doit pas, non plus, se laisser impressionner par les effets de manche de son homologue turc, qui aime rouler les mécaniques et jouer sa partition d’héritier de l’empire ottoman.
Par ailleurs, la Tunisie n’a pas à se laisser enrôler dans aucune aventure, quelle qu’elle soit, militaire ou politique, impliquant directement la sécurité de ses frontières. Elle doit, en ce qui concerne cette affaire libyenne, discuter avec ses partenaires de la région qui y sont directement impliqués, notamment l’Algérie et l’Egypte. Et rester attaché à la doctrine fondant sa politique étrangère, à savoir le rejet de toute intervention étrangère dans les affaires intérieures des pays et la recherche des solutions pacifiques négociées pour tout conflit.
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