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La démocratie tunisienne a besoin de l’appui des Etats-Unis

Barak-Obama-et-Beji-Caid-Essebsi

Les Etats-Unis se doivent d’être des partenaires entiers de la Tunisie et de la soutenir en ces moments difficiles.

Par Mark Green, William R. Sweeney Jr. et Leslie Campbell*

La Tunisie demeure un exemple remarquable de ce qui peut être accompli lorsque notre communauté démocratique décide de se tenir aux côtés des populations locales dans la construction de leur avenir démocratique. La chute du régime autoritaire de Zine El-Abidine Ben Ali, en 2011, avait mis le pays sur une voie incertaine qui a été, à plusieurs reprises, menacée par des attaques terroristes et soumise à la forte pression du malaise économique.

L’attentat de Sousse n’entame en rien les réalisations de la Tunisie

Cependant, bien que les pays voisins aient sombré dans le chaos, la détermination des dirigeants politiques tunisiens et la volonté de la société civile tunisienne d’atteindre un consensus par le moyen du dialogue pacifique ont surmonté bien des obstacles et franchi des étapes cruciales, notamment avec la rédaction de la plus progressiste des constitutions du monde arabe et la tenue, en 2014, d’élections parlementaires et présidentielle qui ont été sans l’ombre d’un doute des scrutins crédibles.

Certes, l’attentat terroriste du 26 juin, dans la ville côtière de Sousse, est venu nous rappeler que rien n’est encore acquis dans le processus de transition démocratique en Tunisie et que le pays est confronté à de considérables défis. Néanmoins, cela n’entame en rien ce que ce pays a été capable de réaliser jusqu’ici. L’attaque terroriste contre l’hôtel Imperial Marhaba n’altère aucunement les réussites des milliers de candidats aux élections, des dizaines de milliers d’agents électoraux et d’observateurs civiles, et des millions d’électeurs tunisiens qui ont soutenu et participé au processus électoral démocratique du pays.

Dès le début de la transition, le souhait tunisien d’emprunter la voie de la démocratisation a trouvé appui auprès des Etats-Unis et d’organisations américaines telles que l’Institut international républicain (IRI), l’Institut national démocrate (NDI) et la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) qui ont œuvré main dans la main avec un large éventail de partis politiques et de groupes citoyens naissants et soutenu les nouvelles institutions démocratiques tunisiennes qui ont vu le jour au lendemain de la chute du régime de Ben Ali. D’importantes questions de la transition démocratique – de la réforme constitutionnelle à l’indépendance des médias, des droits de la femme à la justice transitionnelle – ont été traitées avec le soutien des Etats-Unis et de nombreux programmes d’initiation et de formation aux techniques de l’élection démocratique ont été mis à la disposition des candidats, femmes et hommes, à travers le pays. L’assistance fournie à l’administration électorale en Tunisie a contribué à la tenue de 3 scrutins crédibles successifs, l’automne et l’hiver derniers, en aidant plus de 8.000 observateurs tunisiens à donner plus transparence aux consultations et plus de validité aux votes.

L’état d’urgence est compréhensible, mais…

L’administration Obama et le Congrès des Etats-Unis méritent d’être félicités pour leur soutien à la Tunisie et pour avoir œuvré dans ce sens sur une base bipartisane, de manière à accroître l’aide économique et sécuritaire dont ce pays a besoin.

Cependant, pour mener cette expérience jusqu’à son terme final et pour qu’elle réussisse complètement, force est de reconnaître que la Tunisie est toujours dans un état de transition qui peut, à tout moment, être réversible. Des problèmes épineux,  tels que le chômage et d’autres facteurs qui ont été à l’origine du soulèvement de janvier 2011, n’ont toujours pas été résolus et peuvent être un terrain fertile pour la progression des groupes extrémistes – surtout parmi la jeunesse tunisienne. Les solutions à ces problèmes passent immanquablement par l’établissement d’une bonne gouvernance, l’éradication des disparités régionales, une responsabilité renforcée, une plus grande inclusion et un accès accru à l’opportunité.

L’instauration d’un état d’urgence d’un mois, décidée par le président tunisien Béji Caïd Essebsi en réponse à l’attentat terroriste de Sousse, est une mesure compréhensible, étant donné les menaces que fait peser sur le pays la violence extrémiste. Cependant, pareille situation exceptionnelle ne devrait en aucun cas devenir une règle et durer. Elle ne devrait pas, non plus, permettre une régression vers le comportement autoritaire qui caractérisait l’ancien régime. Alors que la Tunisie s’efforce de trouver l’équilibre juste entre la préservation des libertés civiles et l’obligation de garantir les stabilité et ordre dans la pays, par le moyen d’une nouvelle loi anti-terroriste, la meilleure protection contre le risque du retour en arrière et contre les dérapages anti-démocratiques réside dans un soutien plus étendu qui devrait être accordé à la démocratie et à la bonne gouvernance, un appui qui permettra aux citoyens tunisiens de garder plein contrôle sur leur gouvernement et accordera aux preneurs de décision et aux institutions de l’Etat les capacités et les moyens d’honorer leur mission et de prendre des décisions conformes aux normes démocratiques.

Les preuves de la résilience tunisienne sont nombreuses

Créer une culture démocratique ne commence pas, et ne termine pas, non plus, par l’accomplissement d’un cycle électoral. Un soutien renouvelé à la consolidation du comportement démocratique au sein des grands partis politiques tunisiens et à la mise à la disposition des institutions électorales et des acteurs politiques le savoir-faire nécessaire à la tenue des élections locales doit se concrétiser dans les plus brefs délais. En outre, appuyer le processus de décentralisation et traiter la question d’une certaine tension entre les régions produiront la gouvernance adéquate tant espérée. De plus, une plus grande attention devrait être accordée à l’inclusivité, notamment en intégrant la jeunesse tunisienne dans le processus de décision et la conception de l’avenir du pays. Ces efforts sont vitaux, non pas uniquement pour la réussite de la transition politique en Tunisie, mais également pour servir de garde-fou contre l’attrait de l’extrémisme.

L’on peut être tenté de croire que le dernier coup porté à la jeune démocratie tunisienne peut entraîner ce pays sur la voie que d’autres pays de la région ont suivie. Il est vrai que la transition démocratie en Tunisie demeure fragile et que le pays rencontrera, à l’avenir, très certainement d’autres crises. Cela dit, n’oublions pas l’unanimité et la force avec lesquelles tous les Tunisiens, laïcs et islamistes confondus, ont condamné l’attentat contre la revue française satirique ‘‘Charlie Hebdo’’, en janvier dernier. N’oublions pas, non plus, la résolution pacifique de nombre de conflits politiques tout au long du processus de la transition démocratique et les nombreux témoignages de touristes relatant le comportement héroïque des employés de l’hôtel Imperial Marhaba, en cette horrible journée du 26 juin à Sousse: ils avaient formé des cordons humains pour protéger leurs clients étrangers et leur éviter la mort.

La Tunisie a donné la preuve de sa résilience et de son dévouement pour la démocratie, le pluralisme et la tolérance, en dépit d’un voisinage régional tumultueux. Les Etats-Unis se doivent d’être des partenaires entiers de la Tunisie et de la soutenir en ces moments difficiles. Et, en cela, nous avons des intérêts vitaux à entretenir pareilles relations avec la Tunisie et le peuple tunisien, sur la base de valeurs qui nous sont désormais communes et dans une région où les alliés comme la Tunisie sont rares.

Traduit de l’anglais par Moncef Dhambri

Source:  »The Hill ».

*Mark Green est ancien ambassadeur, représentant républicain du Wisconsin et contributeur régulier au quotidien politique ‘The Hill’, qui a publié, hier mardi 14 juillet 2015, l’article ci-dessus. William R. Sweeney Jr. et Leslie Campbell sont respectivement présidents de l’IRI et l’IFES.
**Le titre est celui des auteurs : «Tunisia needs US support for democracy to succeed.» Les intertitres sont de la rédaction.

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