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Le Nobel de la Paix au Quartet: Sa signification et ses limites

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Le Nobel de la Paix attribué au Quartet du Dialogue national en Tunisie est amplement justifié et le peuple tunisien à raison de s’en réjouir et d’en être fier.

Par Rachid Barnat

Ce prix met une nouvelle fois en évidence la singularité de la révolution tunisienne, la seule qui est sur la voie de la réussite et qui a su éviter une forme de guerre civile cruelle et destructrice comme cela s’est passé ailleurs.

Une singularité tunisienne

La Tunisie n’a pas eu non plus besoin d’un coup de force comme en Égypte pour écarter l’islamisme violent et liberticide.
Pour comprendre cette distinction, il faut se poser la question : pourquoi cette singularité tunisienne ?

La réponse tient évidemment dans la personnalité même des Tunisiens : un peuple ancien, paisible, qui a connu de grandes civilisations dont il a su adopter ce qu’elles avaient, chacune, de meilleur.

Mais cette explication est insuffisante car d’autres pays touchés par les mêmes problèmes et qui, eux aussi, ont vu de grandes civilisations se succéder sur leur sol, n’ont pas eu le même comportement responsable.

La Tunisie à eu la grande chance que n’ont pas eu les autres pays, celle d’avoir été dirigée pendant trente ans par un véritable homme d’État, Habib Bourguiba. Le premier président de la république tunisienne, proclamée en 1957, a apporté trois choses absolument fondamentales à la Tunisie : un État et une administration modernes, l’éducation obligatoire pour tout un peuple et la promotion de la femme, extraordinaire pour son temps et pour sa région. Ce faisant, il a réussi à créer une vaste classe moyenne largement éduquée et pouvant dès lors prendre part à son destin.

Les limites d’une distinction

Il ne faut en rien diminuer le mérite important du Quartet mais qu’aurait-il pu faire sans l’appui constant et sans la lutte permanente de cette société civile tunisienne qui s’est révélée, sur le terrain mais aussi sur les réseaux sociaux, à la fois éclairée, lucide et déterminée?

Est-il besoin de rappeler les cas nombreux où le pouvoir à dû reculer face aux réactions de cette société civile qui, d’ailleurs, continue aujourd’hui encore à agir.

Les membres du Quartet honorés par ce prix prestigieux (UGTT, Utica, LTDH et Ordre des avocats), ont d’ailleurs tous salué le rôle de cette société civile.

Voilà pour les mérites. Mais il faut aussi attirer l’attention sur les limites de ce Prix dont chacun veut tirer à lui le bénéfice. Le président de la république Béji Caïd Essebsi a cru y lire une approbation de sa politique; Mustapha Ben Jaâfar, ex-président de la Constituante, a souligné quant à lui son rôle qu’il considère comme essentiel; Ennahdha, de son côté, nous dit que tout cela n’avait été possible que par sa modération, comme si la violence était sa politique normale !

Chacun se gargarise et veut une part de l’honneur, mais il faut rappeler que beaucoup, dont Ennahdha, étaient d’abord, totalement hostiles à ce processus.

Certains parlent d’anachronisme en rappelant combien ce prix mérité doit être limité à la période qu’il vise expressément et pas aux dérives ultérieures que l’on peut constater.

En fait le Prix Nobel de la Paix a récompensé une action menée dans un temps précis et, à mon sens, il ne donne aucune appréciation sur la façon dont la constitution maintenant votée et les élections maintenant intervenues, ont été utilisées par le pouvoir actuel.

Caïd Essebsi tire la couverture à lui

En un mot, je ne vois pas dans l’attribution de ce prix que le comité du prix Nobel ait validé la «démocratie participative» dans sa version américaine ! Entendez par là, que les partis à l’idéologie diamétralement opposée doivent gouverner ensemble.

Ce que voudraient nous faire croire les tenants de la «sainte alliance» avec les Frères musulmans, M. Caïd Essebsi en tête, qui a aussitôt tiré la couverture à lui.

Comme l’écrit sur Facebook un excellent observateur de la politique tunisienne: «Ce qui était admissible et même souhaitable après la grave crise née des assassinats politiques et qui était nécessaire pour parvenir à un accord sur la constitution, ne doit pas permettre une fois la constitution votée et les élections organisées, de trahir la volonté du peuple. Les Tunisiens ont dit non aux islamistes par trois fois; et il n’y avait donc pas à gouverner avec eux. Ce qui était bon en période transitoire et que le Nobel a salué, ne justifie pas toutes les trahisons et les régressions. En tirant à lui le bénéfice de ce Prix Nobel, M. Caïd Essebsi fait mine de croire que c’est sa politique qui est honorée ! Non, il n’y a rien de tel dans ce prix.»

Ce que j’écrivais d’une démocratie au rabais réservée seulement aux «pays arabes», soutenue par les Etats-Unis et l’Union européenne, reste toujours vrai; et ce Prix Nobel n’y change rien.

Fixer un cap clair au pays

Le moment et l’action récompensés ont permis de franchir une étape capitale mais si le pouvoir restait dans cette volonté de consensus à tout prix, il mettrait en cause le progrès du pays et contribuerait à le laisser stagner dans des demi-mesures, sans cap véritable.

Je pense au contraire que ce prestigieux prix doit être une invitation à fixer maintenant un cap clair au pays et à sortir de ces marchandages répétés et stériles. Il faut maintenant que la Tunisie ait le courage de dire l’avenir qu’elle veut et cet avenir ne peut être un mixte entre le progrès et l’obscurantisme. Les deux ne vont pas ensemble.

Ne boudons pas notre plaisir et notre fierté nationale mais restons attentifs aux évolutions.

Blog de l’auteur.

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