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Insécurité en Tunisie : Wided Bouchamaoui renvoie la balle aux Occidentaux

Wided-Bouchamaoui-BBC

Dans un entretien avec la BBC, Wided Bouchamaoui a rappelé aux Occidentaux leur responsabilité dans le chaos libyen et ses conséquences sur la Tunisie.

Par Marwan Chahla

Guerrière et bien droite dans ses bottes, magistrale, thatchérienne – si, pour l’occasion, les Britanniques me permettent cet emprunt –, patronale et sereine, Wided Bouchamaoui, la présidente de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), a répondu à cette question qui fâche les Tunisiens, celle qui les interroge Tunisiens sur cette excroissance jihadiste de leur success story démocratique, cette épine au pied de la révolution du 14 janvier 2011…

Et en anglais, s’il vous plaît!

Invitée de la très célèbre émission ‘‘Hardtalk’’ de la BBC, Mme Bouchamaoui a remis les choses à leurs places et, fermement, fait porter à l’Occident la responsabilité entière du pourrissement de la situation en Libye voisine.
Stephen Sackur, l’interviewer de la BBC, a cru mettre le doigt sur «le gros problème dont souffre la Tunisie, à savoir les 4.000 combattants tunisiens qui nourrissent les bataillons de l’Etat islamique, la quinzaine de centaines de jihadistes tunisiens qui ont rejoint les rangs de Daêch en Libye et les nombreux islamistes radicaux qui opèrent sur le sol tunisien.»

Très vite, le journaliste britannique a sauté à la conclusion que les profondes disparités économiques qu’il a pu constater lui-même lors de ses «nombreux déplacements en Tunisie – à Sidi Bouzid, berceau de la Révolution, par exemple – et le fait que les élites tunisiennes refusent d’écouter le cri de désespoir des laissés-pour-compte du développement sont responsables de la montée du radicalisme islamiste en Tunisie.»

Maîtrisant son sujet, avec ses tenants et ses aboutissants, Wided Bouchamaoui, s’exprimant correctement dans la langue Shakespeare (s’il vous plaît!), a gardé toute son assurance et expliqué à Stephen Sackur que «le jour où tout a commencé, ces jeunes Tunisiens dont vous parlez disaient tous d’une même voix: ‘‘Nous voulons la dignité, du travail et la liberté!’’ Pour ce qui est de la liberté, c’est chose faite, aujourd’hui, elle est acquise. La dignité de ces jeunes ne pourra pas être satisfaite tant qu’ils n’ont pas obtenu un emploi. Ils ont attendu et ils attendent encore que leurs rêves se réalisent. Nous n’y sommes pour rien dans cette montée de l’extrémisme islamiste, car ces jeunes Tunisiens sont des proies faciles pour les recruteurs jihadistes. Ils trouvent refuge dans ces camps d’entraînement à l’étranger…»

La Libye, un pays sans Etat et sans institutions
Le journaliste de la BBC interrompt: «Que ces jeunes Tunisiens puissent être entraînés à l’étranger importe peu. La question qui se pose est de savoir d’où est-ce provient leur colère?»

Pour la présidente de l’Utica, toujours patiente, didactique et nullement décontenancée, «c’est une question d’attente trop longue: c’est une question d’espérance trop longtemps reportée et de chance d’un travail décent restée trop longtemps insatisfaite. Nous n’avons pas pu les aider à réaliser leur rêve d’un emploi digne. Et la raison de notre insuccès est toute simple: notre pays est confronté à de très graves problèmes économiques. Permettez-moi de vous rappeler, à titre d’exemple, que 54% de l’activité économique dans notre pays s’opère dans le marché parallèle. Tout cela, parce qu’en Libye il n’y a pas d’Etat, les institutions n’existent pas, nos frontières avec ce pays voisin sont poreuses et, en pareilles conditions, les trafics illicites en tous genres (armes, denrées alimentaires et toutes autres sortes de produits) se déplacent sans difficulté d’un pays à l’autre. Je dois avouer que nous ne sommes pas capables de contrôler tout cela comme il faut… C’est pour cette raison que nous appelons la communauté internationale à nous aider à trouver une solution à ce problème sécuritaire, mais également à investir dans notre pays pour créer des emplois et… »

A la remarque de Stephen Sackur que «la Tunisie a déjà obtenu, à plusieurs reprises, le soutien du FMI et que, sur le plan sécuritaire, l’Union européenne a appuyé les efforts des gouvernements tunisiens», Mme Bouchamaoui s’est montrée catégorique: «Non, pas assez d’actions concrètes, pas assez. Car, en définitive, n’oubliez pas que nous ne sommes en rien responsables de ce qui se passe aujourd’hui en Libye voisine.»

Et vlan, le coup est parti. Daêch, la crise libyenne, les guerres civiles en Syrie et en Irak, les attentats du Bardo, de Sousse, ceux de Paris et toutes les confusions auxquelles nous assistons aujourd’hui, la présidente de l’Utica les a renvoyés à l’expéditeur…

Vidéo de l’entretien en VO.

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