De Carthage à Tunis, en passant par El-Menzah, la fête de l’indépendance a été un moment de communication politique où l’illusion ne pouvait tenir lieu de réalité.
Par Nadya B’Chir *
Dimanche 20 mars 2016 était par excellence la journée des événements. D’abord, la Tunisie célébrait le 60e anniversaire de l’indépendance. Fête, solennellement et honorablement servie par la présidence de la république qui, faudra consciencieusement le noter, a imprégné les murs du Palais de Carthage par une touche de nouveauté au niveau de la communication visuelle. Grand bien nous fasse ! Car la présidence de la république nous a habitués à un décor, à peu près de chose, analogue à chaque occasion sonnante et l’œil du grand public s’est vu emprunter la voie de la lassitude quand bien même le travail en matière de communication était effectué avec ferveur et passion. L’émotion n’était pas en reste, cependant, il y a encore matière à creuser. La montée du sens patriotique des suites des événements survenus dans la région de Ben Guerdane récemment y était pour bien des hauteurs.
Célébration du 20-Mars au Palais de Carthage.
Grands fracas et trompettes raisonnantes
Autre événement marquant de la journée du 20 mars 2016, l’annonce de la création du nouveau parti de Mohsen Marzouk, nous citons : Mouvement du Projet de la Tunisie (Harakat Machrou Tounes). Une annonce faite à grands fracas et trompettes raisonnantes entre les murs de la Coupole d’El Menzah.
Des milliers de sympathisants et de partisans ont répondu présents pour témoigner d’une nouvelle naissance d’un parti politique, encore… Une grande euphorie a, dans la foulée, accompagné cette annonce : les visages zélés, exaltés, et les gorges déployées de cris de victoire, sur fond d’une communication visuelle sans touche exceptionnelle particulière a, toutefois, réussi à faire passer un message d’allure cruciale : le nouveau parti Machrou Tounes est d’ores et déjà en confortable positionnement sur l’échiquier politique. Une démonstration de force dirait-on.
Meeting du Projet Tunisie à la Coupole d’El Menzah.
Les instigateurs du nouveau parti de Mohsen Marzouk clament, à voix fières et rassurées, que le meeting de la Coupole est un franc succès, sans nul doute, les rabat-joies n’ont que tête baissée ! Soit ! Car remplir une salle aussi grande par des milliers de personnes ne peut faire lieu d’un signe d’échec, néanmoins, cela ne relèverait-il pas de la communication visuelle illusoire?
Rassembler la foule n’est plus tributaire d’un secret de fabrique singulier. Rassembler la foule selon cette fameuse notice serait-il, pour autant, bonne augure pour un avenir radieux du parti Machrou Tounes ? Et puis que pourrait nous cacher cette communication visuelle illusoire à laquelle le public est attiré comme les marins le sont par les sirènes? La clé, symbole du nouveau parti de Mohsen Marzouk, ouvrira-t-elle la porte des éclairages inéluctables?
Affaire à suivre !
La magie n’opère plus
Venons-en au troisième événement de la journée du 20 mars : le meeting du parti Nidaa Tounes, en pleine gestation de réédition, pour célébrer le 60e anniversaire de l’indépendance de la Tunisie. Le grand public n’était pas l’abri d’une surprise bien que le prévisible finit par prendre le dessus au regard de la configuration actuelle du parti. C’est alors qu’en matière de communication visuelle, même l’illusion était quasi absente.
A dire vrai, Nidaa Tounes nous a habitués à des meetings (en l’occurrence sous le couvert des campagnes électorales) tenus en grandes pompes, et garnis par des images porteuses d’émotions fortes ne laissant public indifférent. La communication visuelle, portant l’empreinte de Nidaa Tounes, a quasiment marqué l’histoire de la communication en Tunisie d’une pierre blanche : le regard admiratif se dressait à chacun de leur meeting et ne se gardait pas de signaler la touche professionnelle et passionnée de ses fabricants.
Que s’est-il alors produit lors du meeting du 20 mars ? Le grand public n’a pas eu, cette fois, droit à son émotion, à son histoire privée, à son admiration intime : la communication visuelle était quasiment absente et dénuée de toute nuance artistique, celle-là même qui vend du rêve et du sensationnel. La fièvre émotionnelle a clairement préféré manquer le rendez-vous.
Pour la peine, le volet politique n’était pas en reste de cette pâleur communicationnelle. Et voici ce que nous avons vu lors du meeting de Nidaa Tounes : une image de cafouillage avec la présence d’une foule sur scène, a été mise en avant de par une scénographie pauvre en créativité.
Egalement, les sympathisants venus en nombre étaient en manque de percevoir à travers cette scénographie l’organigramme du parti, ce qui est en soi l’éternel problème de Nidaa Tounes.
Meeting de Nidaa Tounes (ou ce qui en reste) au Palais des congrès.
Bémol au cours du meeting non moins intéressant : une coupure de courant qui est due à une mauvaise distribution des sources d’électricité. Un bémol qui a été interprété par une frange de l’opinion publique comme une marque de sabotage de la part de Hafedh Caïd Essebsi, éconduit par Ridha Belhaj, le nouveau (et inattendu) patron. Cela a été d’autant plus amplifié par l’absence totale d’une campagne promotionnelle avant la tenue du meeting ainsi qu’après.
Et pourtant ! Dans les coulisses, il n’y avait autre que le grand et incontournable Fadhel Jaziri ! Aurait-il perdu ses repères, sa boussole en matière de communication visuelle artistique ou serait-il privé des mains de fées qui offraient l’émotion sous couvert politique ?
La communication politique visuelle revêt désormais une importance telle que le travail politique de grande envergure en dépend. Nous sommes substantiellement une société composée d’un public qui raffole de l’apparence, du visuel, de celui qui frappe à torrent l’œil. Pourquoi dès lors s’en priver ?!
Halte, néanmoins, à la tromperie! Nous sommes tous enseignés à l’irréfutable notoire dicton : les apparences sont souvent trompeuses !
* Journaliste indépendante.
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