Faculté de médecine de Tunis.
Question au ministère de l’Enseignement supérieur : les redoublants à la faculté de médecine sont ils encore des citoyens à part entière?
Par Dr Mounir Hanablia *
La première manche d’un véritable affrontement ayant débuté le 4 juillet dernier entre des parents d’étudiants en médecine ayant achevé leur premier cycle à l’étranger, et le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, épaulé par les 4 doyens des facultés de médecine de Tunisie, vient de s’achever avec l’inscription en faculté de 46 étudiants, sur décision de la Commission universitaire chargée des candidatures.
A priori, c’est une victoire pour les étudiants puisque l’actuel ministre, Slim Khalbous, héritant d’une situation créée par son prédécesseur, Chiheb Bouden, qui avait décidé brusquement de fermer les portes des facultés de médecine tunisiennes aux étudiants tunisiens de l’étranger, avait dû se résoudre, après une décision du tribunal administratif suspendant la décision de son prédécesseur, et après l’intercession d’un certain nombre de députés ainsi que celles du médiateur administratif, du premier ministère, et sous la pression des sit-in organisés par les étudiants et leurs parents, à en accepter les inscriptions pour cette année également, un mois après la reprise des cours en faculté.
La question est-elle pour autant désormais close comme l’a annoncé le ministère? Pas nécessairement! Les travaux de la Commission ont été assez chaotiques : la première fois, celle-ci s’est réunie pour sélectionner les lauréats aux 20 places concédées par le ministère, dont les noms ont été publiés le 24 septembre concomitamment à l’annonce d’une liste ultérieure. La liste définitive, retenant 26 candidats supplémentaires, a été rendue publique le 30 septembre, avec un délai d’inscription de 7 jours.
Là où le fonctionnement de la Commission a été le plus critiqué, c’est sur la manière avec laquelle les scores ont été établis. Le ministère avait annoncé – après le dépôt des dossiers de candidature – que le score tiendrait compte de la moyenne du baccalauréat, de celle de la 2e année, du bonus de 5 points pour les questions d’ordre médical ou socio-économique, et du malus équivalent (5 points) pour les redoublements, les années blanches, ou les réorientations.
Finalement, lors de la publication de la liste finale, il s’est avéré que la Commission avait changé d’avis et n’avait pas tenu compte des moyennes de 2e année; qui plus est, elle a accordé un bonus de 5 points à TOUS les candidats, et un malus uniquement aux redoublants.
A l’arrivée les étudiants malades ou issus de milieux socio-économiques défavorisés ne disposaient plus d’aucun avantage, et les redoublants, bien souvent eux-mêmes ces mêmes étudiants, étaient grevés d’un handicap leur interdisant toute chance d’inscription.
Est-il normal qu’une Commission ayant entre ses mains les destins de plusieurs étudiants, exilés à des milliers de kilomètres, et dont les familles se sont imposé des sacrifices conséquents, ne soit pas capable de se soumettre aux normes qu’elle s’était engagée à respecter? Et est-il normal qu’un redoublant se voit interdit d’un droit qui n’avait pas été refusé aux redoublants en 2015, sous le prétexte que la Commission en 2016 ne fût pas tenue d’obéir aux critères définis lors des années précédentes?
Justement, pour évoquer 2015, force est de constater que l’inscription des étudiants sous la responsabilité des doyens des facultés de médecine s’est faite sur deux listes : la première n’avait été soumise à aucun critère et la seconde en obéissait à 2 : une moyenne du baccalauréat supérieure à 14 et une faculté d’études reconnue par les autorités tunisiennes. C’est d’ailleurs ces deux critères qui avaient été annoncés par le ministre Bouden dans son communiqué comme étant ceux auxquels les étudiants en 2016 seraient soumis. Avant de se rétracter quelques mois plus tard. Et c’est justement l’application de ces deux derniers critères que le tribunal administratif a recommandé, dans son jugement du 29 août 2016. Apparemment sans être entendu.
Toujours est-il qu’une trentaine d’étudiants ont été refusés, quelques uns pour avoir redoublé leur première année d’études médicales, les autres pour ne pas avoir une moyenne du baccalauréat supérieure à 14, ou pour venir de facultés plus ou moins reconnues. Or ces étudiants contestant la régularité des travaux de la Commission, se sont entendus dire que celle-ci était souveraine, et ont donc décidé de recourir de nouveau à la justice administrative, au risque de ne rejoindre les facultés qu’avec plusieurs mois de retard.
La question qui désormais se pose est celle-ci : pourquoi, alors que les facultés de médecine disposent d’un nombre de places suffisant pour accueillir tous les candidats, le ministre et les doyens ont-ils décidé de ne pas tenir compte des difficultés rencontrées par les étudiants à l’étranger, et d’exclure des redoublants dont plusieurs avaient réussi le baccalauréat avec plus de 16 de moyenne? Un autoritarisme plutôt incompréhensible
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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