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Djerba : Qui est derrière les procès d’impiété ?

Djerba : Les barbus et le restaurateur juif

Des religieux réclament la fermeture d’un restaurant servant de l’alcool tenu par un juif tunisien (capture d’écran).

En moins de deux semaines, des individus ont protesté, à Djerba, pour la fermeture de restaurants servant du vin. Est-ce le début d’une série de procès d’impiété?

Par Naceur Bouabid *

Les perturbations affectant la régularité de la desserte maritime entre le continent et l’île de Djerba ne sont plus malheureusement pour surprendre, tant elles sont incessantes et répétitives. Tout est prétexte pour mettre les bacs aux arrêts et compromettre la fréquence régulière des dessertes : des conditions atmosphériques défavorables, zèle coutumier du personnel, défaillances mécaniques. Mais les dernières en date remontant à la semaine dernière n’ont rien de commun, car des intervenants d’un genre nouveau, en l’occurrence des représentants se disant agir au nom des habitants de la localité du Jorf, sont entrés en lice pour s’arroger le droit de décider à leur tour du sort de la desserte.

Concours de circonstances ou machination dans les règles ?

Prétextant une rixe banale survenue jeudi 9 février 2017 au bar de la station, ces individus ont envahi, le lendemain tôt le matin, les voies de passage des véhicules pour y observer un sit-in et leur interdire l’accès aux quais. Ils revendiquaient la fermeture dudit bar et ils exigeaient, à cet effet, la venue d’un responsable régional en contrepartie de sa levée; ils ont enfin obtenu gain de cause, puisque le délégué de Sidi Makhlouf avait consenti le déplacement et promis, sous la pression, d’agir, suite à quoi le sit-in fut levé à 16 heures après huit heures de blocage de la desserte.

Le bar, n’ayant pas été fermé, comme le revendiquaient ses détracteurs, le sit-in fut repris dimanche 12 février puis le lendemain, et enfin levé suite à la décision des autorités régionales d’y interdire la vente des boissons alcoolisées, en attendant l’issue de la réunion qui sera tenue à ce sujet.

Un scénario égalé s’est reproduit à Houmt-Souk, chef-lieu de Djerba, peu après l’incident du Jorf : une poignée d’individus se sont réservé le droit d’envahir l’artère principale Habib Bourguiba, sans être aucunement dérangés, et ce, en guise de contestation contre la réouverture dans les règles d’un restaurant servant l’alcool tenu par un juif tunisien.

Ce qui n’était pas pour plaire à ces individus mus pour la circonstance en soldats du salut des consciences, en purificateurs vertueux des âmes débauchées, scandant de vive voix à qui veut les entendre leur piété et leur dévotion.

Loi de la jungle ou Etat de droit?

De pareils incidents se reproduisant quasi simultanément relèvent-ils du hasard? Ou s’agirait-il de deux maillons d’un processus entamé de procès d’impiété en série? A quel dessein mesquin inavoué se meuvent-ils?

Lorsque des citoyens agissant en hors-la-loi parviennent à imposer leur diktat et à soumettre qui de devoir de sévir à leurs caprices pour avoir finalement gain de cause, force est d’admettre que de tels faits s’avèrent indignes d’un pays qui se dit respectueux de l’Etat de droit; quand, au lieu de prôner la fermeté, la rigueur et l’intransigeance, nos hauts responsables font montre d’autant de mollesse et daignent entrer en négociations avec des hors-la-loi pris en flagrant délit d’outrage à l’ordre public et aux sacro-saints intérêts publics, n’est-on pas en droit de mettre en doute la volonté prétendument annoncée de consacrer l’Etat de droit vainement sollicité par tout un peuple?

* Ancien président de l’Association de sauvegarde de l’île de Djerba (Asidje).

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