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Moez Bouraoui: «Les élections toutes seules ne font pas la démocratie»

Pour Moez Bouraoui, en l’absence du Code des collectivités locales, tenir les élections municipales, le 17 décembre 2017, serait «une effroyable imposture.»

Invité, jeudi 6 avril 2017, de l’émission 24/7 d’El-Hiwar Ettounsi, le président de l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide) a expliqué «à ceux qui veulent l’entendre et les autres, et pour la énième fois» qu’il y a danger en la demeure démocratique tunisienne à vouloir coûte que coûte tenir ces consultations locales sans avoir, au préalable, établi par le menu détail les modes de fonctionnement, sans avoir défini les pouvoirs et prérogatives, des autorités municipales et locales, qui sont supposées servir de relais effectifs et efficaces du pouvoir central.

«J’en couperais ma main»

Une fois de plus, le président de l’Atide est reparti à la charge: «Je n’ai rien –absolument rien – contre le fait qu’il y ait accord sur le fait que les élections municipales se tiennent le 17 décembre 2017. Sauf que, l’on s’illusionnerait à croire, sans le Code des collectivités locales, que nous enracineront la démocratie dans la vie de tous les jours des citoyens tunisiens.» Et il ajoute: «Non, dans pareilles conditions [qui consisteraient à s’appuyer sur une loi datant de 1975], je ne participerais pas à des élections de ce genre où il s’agirait de voter tout simplement pour l’accomplissement d’un acte aussi vide de sens. Je ne voterais pas pour tout simplement glisser un bulletin de vote dans une urne. Non, je sectionnerais la main qui accomplirait un tel geste.»

Le président d’Atide explique par l’exemple ce qu’il considère comme étant «une effroyable imposture, un gros mensonge»: «Imaginez, un court instant, la rencontre, six mois après les élections municipales, entre un citoyen lambda et un conseiller municipal ou un maire. Ce dernier se confondra en excuses de n’avoir rien pu faire pour sa circonscription depuis son élection. Il invitera son concitoyen dans son bureau pour parcourir ensemble la liste interminable de ses correspondances et de ses requêtes. Et à l’élu désolé de conclure: ‘‘Je n’y peux rien. Ce n’est pas de mon ressort. Ce n’est pas de ma faute. J’attends toujours les réponses à mes demandes.’’»

L’appel au boycott, s’il le faut

Pour Moez Bouraoui, c’est donc d’une affaire de crédibilité qu’il s’agit, de la crédibilité d’un élu qui, pendant sa campagne électorale, a présenté aux électeurs un programme, fait des promesses et s’est engagé à les tenir. Ainsi, avec ces élections municipales, le droit sera accordé au citoyen tunisien de vérifier que la démocratie existe concrètement, qu’elle est une pratique quotidienne, que le pouvoir central est «sincèrement» disposé à céder quelques unes des ses prérogatives à la citoyenneté locale et que, en définitive, il est possible d’établir une relation de confiance entre l’élu local et le citoyen.

D’ailleurs, le président d’Atide s’étonne que l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) de Chafik Sarsar se soit transformée en «une machine» à organiser des élections et dont le seul souci consiste à fixer une date pour cette échéance électorale et établir un rétro-planning pour ce scrutin. «Où est la démocratie dans tout cela? Où va la démocratie en Tunisie?», s’interroge-t-il.

Ne décolérant pas, Moez Bouraoui lancera: «Si les choses restent en l’état [c’est-à-dire sans l’adoption du Code des collectivités locales, ndlr], nous sommes tentés d’appeler nos concitoyens à boycotter les élections municipales du 17 décembre 2017. D’ailleurs, nous ne sommes pas la seule organisation de la société civile à envisager sérieusement cette idée…»

Au gouvernement de Youssef Chahed, aux membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et aux partis, grands et petits, de choisir entre mettre la charrue (des municipales) avant les bœufs (du Code des collectivités locales) ou le contraire…

Marwan Chahla

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