A l’âge où beaucoup de danseuses accrochent leurs ballerines, Blanca Li, 54 ans, au compteur, crée et danse. Et de quelle manière !
Par Hamma Hanachi
Blanca est connue par le public amateur de danse. Elle fut invitée plusieurs fois au Festival du Printemps de la Danse, à Tunis, par Syhem Belkhodja, directrice de l’espace Ness El Fan, pour présenter un spectacle avec ses étudiantes.
Mardi 23 août 2017, la chorégraphe, danseuse, comédienne et metteur en scène est invitée sur la scène de Hammamet dans une nouvelle création appelée ‘‘Déesses et Démone’’. Pour aller droit, disons qu’elle a littéralement tétanisé le public.
Une féerie partagée
Un rideau transparent noir au devant de la scène, au fond des vasistas latéraux mobiles, un bain de lumière blanche au centre. Des accords de piano (musique Tao Gutierrez) et c’est le départ pour une féerie partagée.
Pour cette création (datée de 2015-2016) l’Espagnole grenadine, connue pour son éclectisme, a invité une danseuse russe du Bolchoï, jeune étoile, Maria Alexandrova, élancée et pétrie dans le moule de la fameuse école russe, autrement dit sans fantaisie ni débordements hors cadre. Elles se lancent dans un duel de plus d’une heure, nourries de la fougue et des ressorts du sujet, changeant de costumes et de thèmes.
Deux destins s’affrontent, le Mal et le Bien, sous leurs formes mythologiques, sorcières et muse. Elles sont bienfaisantes ou cruelles, ressemblantes et dissemblables, pacifiques et violentes. Où l’on découvre que les deux danseuses sont les deux faces du même miroir, rien n’est entièrement blanc ni complètement noir.
L’écran du premier plan est envahi plantes, les images se percutent sur l’écran, des saisons passent, les branches fleurissent, les champs de blé, les ciels gris, les nuages morts, des boutons de fleurs qui poussent, couvrent l’écran, bougent, se rapprochent, suivent les ombres des serpents grossissants, Méduse est derrière, gros yeux et destin tragique.
Un lyrisme à outrance
Les thèmes sont puisés dans les mythes grecques, lutte acharnée entre le Bien et le Mal : thème traité, retraité en musique, en littérature, etc., avec souvent autant de plaisir et d’innovation. Il va de soi que ce qui importe dans toute création c’est le processus créatif. Blanca ose le lyrisme le plus débridé, se libérant des pesanteurs; elle vole avec Alessandrova, toutes deux servies par un jeu de lumières crues, tamisées, directes, latérales, en plongée, somptueuses (lumières de Caty Olive), et soutenues par des effets spéciaux (scénographie de Pierre Attrait) qui donnent naissance à un spectacle magique. Le public, le souffle coupé, garde le silence. Un ange passe…
Blanca Li ose le lyrisme à outrance, elle magnétise le public par les effets spéciaux et les artifices de la vidéo (Charles Carcopino), mais ceux-ci, à notre sens, écrasent par moments les mouvements de la danse, les deux danseuses, sensuelles, nimbées constamment des lumières, changeant fréquemment de robes et de voiles sont parfois perdues dans le décor du premier plan et celui du fond.
L’essentiel c’est que le public, immergé dans ce décor, ces mouvements et ces thèmes éternels soit touché par la grâce. A son âge, Blanca fleurit encore, oui, elle n’a pas flétri.
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