Une jeunesse tunisienne désemparée et presque désespérée.
De nombreux Tunisiens, désespérés par la crise sévissant dans leur pays et méfiants à l’égard de la classe politique issue de la révolution de 2011, sont à la recherche d’une alternative politique qui ne vient pas.
Par Néjib Tougourti *
Après les cris d’indignation, à l’annonce de la décision du Parlement européen d’inclure la Tunisie dans la liste des pays à haut risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, un silence de plomb, fait de désillusion et de désespoir, s’est abattu sur l’opinion publique nationale.
Personne n’a plus envie de revenir sur le sujet et d’en parler. Il n’est évoqué que pour reprendre, inlassablement, les mêmes griefs et les mêmes lamentations d’un peuple, fortement accablé, qui accuse son système politique d’être, en grande partie, responsable de son infortune.
Le désenchantement de toute une population
Un article récent du quotidien britannique, ‘‘The Guardian’’, a cité dans son titre une phrase attribuée à un jeune migrant tunisien, qui aurait affirmé que «la Tunisie est finie». Il est loin d’être le seul, parmi les représentants de sa génération, à exprimer un tel degré de pessimisme, dans des termes tout aussi désabusés.
Les Tunisiens, moins jeunes, ne cachent plus, eux aussi, leurs scepticisme et désenchantement, devant l’incurie d’un régime politique totalement dépassé et incapable, de toute évidence, de faire face aux nombreuses difficultés que connaît le pays.
Sept ans après la chute de l’ancien régime, le nouveau, démocratique dit-on, vient d’épuiser tout son capital confiance auprès de l’ensemble de la population. Même les cadres, les intellectuels, les journalistes et les artistes, qui, traditionnellement, ont toujours figuré parmi sa clientèle, commencent à le critiquer, sévèrement.
En l’absence de tout changement, il est vain d’espérer une issue favorable à une crise qui perdure et dont on ne voit pas vraiment l’issue.
Seuls quelques inconditionnels continuent à soutenir le régime post-révolution, au risque de s’exposer à la colère et à l’indignation du reste de la population. Ils reprennent la rengaine, habituelle, d’un pays pauvre, aux ressources limitées, en pleine mutation, et qui doit faire face à une conjoncture internationale, économique et politique, particulièrement difficile.
Les pourfendeurs du régime refusent de lui accorder des circonstances atténuantes et attribuent l’aggravation de la situation dans le pays à la lenteur observée dans l’assainissement, nécessaire, de la vie politique, économique et sociale.
Ils font remarquer, à juste titre, que la guerre contre la corruption, pompeusement annoncée, il y a moins d’une année, semble presque déjà perdue, alors qu’aucune réforme, sérieuse, n’a été, jusqu’à présent, menée dans des secteurs d’une importance vitale, encore gangrenés : la justice, la santé, l’éducation et les finances, en particulier.
En l’absence de tels changements, il est vain d’espérer, affirment-ils, une issue rapide à la grave crise que traverse le pays.
Ils ne sont pas nos maîtres !
Une chanson enregistrée par un groupe d’acteurs et interprètes tunisiens, qui, pourtant, traditionnellement, font partie de la clientèle du pouvoir en place, dénonce, d’une façon sévère, le nouveau régime en place dans le pays. Elle dit, dans son premier refrain: «Ils ne sont pas nos maîtres, et le pays est le nôtre». Le pronom «ils» désigne les responsables politiques, ainsi comparés à des usurpateurs, prétentieux et arrogants, qui s’opposent à la population, et dont le souci majeur est de défendre leurs intérêts, aux dépens de ceux de la nation.
La chanson illustre, fidèlement, le ressentiment et la grande méfiance de nombreux Tunisiens, à l’égard de la nouvelle classe politique.
Une alternative politique est urgente. Elle ne peut être, cependant, favorisée par le système actuel, figé, foncièrement conservateur et oppressif, malgré un écran de fumée de modernisme et de libéralisme, surfaits et artificiels.
Le rappel de certaines figures de l’ancien régime, qui ont cautionné les méthodes de la dictature, l’amnistie accordée à des cadres de l’Etat qui ont commis de graves abus pendant l’exercice de leur fonction, sont une éloquente et triste illustration, d’une telle régression et d’un retour au statu quo ante, peu favorables à l’émergence d’un Etat de droit, et d’une nouvelle trempe de dirigeants et chefs politiques.
* Médecin.
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