Ridha Chalghoum, ministre des Finances a annoncé, le 5 septembre 2018, que le projet de Banque des régions sera soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), dans le cadre du projet de loi de finances 2019 ou séparément dans le cadre d’une loi spécifique. Gros plan sur un projet censé aider au développement de l’arrière-pays.
Par Khémaies Krimi
Il faut d’abord préciser que ce projet est loin d’être nouveau. Il remonte à plusieurs années, mais il n’a pu être concrétisé. Au début, le projet était associé à la Poste Tunisienne, dotée d’un large réseau, mais le dossier a rapidement été enterré.
Des rumeurs ont ensuite prêté au gouvernement l’idée de fusionner la Banque de financement des petites et moyennes entreprises (BFPME) et la Société tunisienne de garantie (Sotugar) pour créer cette banque. Le projet a été vite écarté ou n’a pas pu voir le jour.
C’est seulement en 2015 que le dossier a été dépoussiéré avec des intentions très sérieuses. Il a refait surface avec le ministre des Finances de l’époque, le défunt Slim Chaker, qui y tenait beaucoup. Il avait même annoncé la promulgation d’une loi portant sa création pour fin 2015. Malheureusement, le projet n’a pas abouti. Espérons que la tentative de M. Chalghoum sera la bonne.
Les objectifs de la Banque des régions
Les objectifs recherchés à travers cette banque spécifique sont au nombre de trois.
Le premier consiste à donner aux régions, dans le cadre de la décentralisation, l’occasion d’avoir les moyens financiers requis pour appliquer les décisions de leurs conseils régionaux et de ne plus être tributaire du pouvoir central.
Le second vise à aider les PME à se financer, sachant qu’actuellement, ce type d’entreprises connaît les pires difficultés, notamment, en matière d’élaboration des études préliminaires et du suivi des projets.
Le troisième se propose de permettre aux jeunes qui désirent créer leurs propres projets d’accéder à des moyens financiers mobilisés par la Banque des régions (lignes de crédit et autres facilités de crédits…).
Empressons nous de signaler que cette Banque des régions est plus proche d’une banque d’affaires que d’une banque universelle classique. Concrètement, elle va fournir, via le réseau bancaire existant, des produits et services avec le concours de toutes les banques et structures financières disponibles.
Ce type de banques a connu beaucoup le succès dans de grands pays industrialisés comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne et dans des pays qui ont connu une transition démocratique comme l’Espagne et les pays d’Europe centrale et orientale (Peco), ce qui est actuellement le cas de la Tunisie.
D’ailleurs ce n’est pas un hasard si la Banque allemande de développement et de reconstruction (KfW) va contribuer, de manière significative, aux côtés d’autres bailleurs de fonds, au financement de la Banque des régions dont le capital est fixé, selon M. Chalghoum, à 400 millions de dinars tunisiens (MDT).
Avantages et spécificités de fonctionnement
Les banques régionales, considérées comme des établissements de proximité, ont l’avantage d’être bien informées sur la situation financière de leurs clients et plus efficaces dans la sélection des emprunteurs.
Elles sont idéalement placées pour identifier les clients solvables et assurer, par conséquent, une meilleure allocation des ressources. Elles sont également censées être plus efficaces au niveau du contrôle post-octroi de crédits.
Elles présentent l’avantage de fonctionner différemment des autres banques. D’abord, au niveau de l’étude des projets, elles n’exigent pas des garanties et gages pour l’octroi des crédits. Mieux, elles ont pour mérite d’accompagner les idées innovantes et mêmes classiques (quant elles sont rentables), selon la nature de l’économie locale.
Ensuite, en matière de contrôle, la banque régionale peut se montrer plus proche de son environnement, et peut non seulement apporter son soutien durant les périodes difficiles, mais aussi anticiper ces crises grâce à son savoir-faire et à sa vision globale de l’environnement. L’entreprise bénéficiaire pourrait alors mieux se préparer pour les affronter, via des décisions stratégiques.
Au chapitre des ressources humaines, le personnel de ce type de banque doit être essentiellement composé de jeunes, qui passent plus de temps sur le terrain que dans leurs bureaux. C’est une nouvelle génération de chargés de clientèle plus proches de leurs environnements, qui collectent l’information des sources peu classiques, et qui peuvent aller jusqu’à consulter l’entourage du prêteur. De quoi nous faire oublier ces faux cols-blancs des banques classiques, parfois hautains et inaccessibles.
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