L’Organisation mondiale de lutte contre les trafics illicites (Waito) présente en Tunisie depuis 2011, propose son expertise pour former et initier les cadres tunisiens aux mécanismes et techniques pouvant aider à décrypter et à lutter, avec plus d’efficacité, contre les dérives criminelles de l’économie informelle : contrefaçon, contrebande, corruption, blanchiment d’argent, financement du terrorisme.
Par Khémaies Krimi
La World Anti-Illicit Traffic Organization (Waito) est une organisation non-gouvernementale (Ong) présidée par le professeur Pierre Delval, un juriste spécialisé dans le droit criminel.
Le thème d la lutte contre l’économie informelle est d’une brûlante actualité lorsqu’on sait la Tunisie a été inscrite, il y a une année, sur la liste noire des paradis fiscaux (décembre 2017) et celle des pays fortement exposés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme (février 2018), par le Groupe d’action financière internationale (Gafi) et l’Union européenne.
À court terme, deux sessions de formation
Le projet de l’organisation Waito, sur le court terme, est d’organiser, les 11 et 12 décembre 2018, au Centre international de formation des formateurs et d’innovation pédagogique (Ciffip, Berges du Lac 2, Tunis), relevant du ministère de l’Education, deux sessions de sensibilisation payantes d’une journée chacune «sur les réalités du commerce illicite et les conséquences du secteur informel en Tunisie». D’autres formations plus spécialisées encore suivront dans les mois suivants.
Au cours de ces sessions qui ne seront pas, d’après M. Delval, «un énième exercice de style sur le commerce illicite», l’accent sera mis sur «les causes qui rongent la Tunisie et sur des solutions qui peuvent être appliquées pour sortir le pays du marasme dans lequel il s’enfonce inexorablement tous les jours». Et le professeur de passer en revue les éléments de formation qui seront fournis: «Des exemples seront présentés, des chiffres seront communiqués, pour mesurer l’ampleur des risques et des menaces». Et plus que tout, des explications seront données sur toute l’importance des mots entre secteur formel et secteur informel, entre marché parallèle et contrebande, entre contrefaçon concurrentielle et contrefaçon crapuleuse.
Dans l’exposé des motifs de ces manifestations, M. Delval relève qu’en suivant, depuis 2011, l’évolution de notre pays, en toute objectivité et en étant totalement apolitique, il a constaté que «la Tunisie vit des années difficiles durant lesquelles le monde politique s’entrechoque tandis que l’économie et la société toute entière en pâtissent et souffrent». Et le criminologue de détailler son constat : «Dans ce contexte compliqué pour tous, le commerce illicite se porte très bien, la corruption est plus que jamais un sport national, malgré les actions de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), et le budget de l’Etat est spolié jour après jour par des pratiques mafieuses organisées de l’extérieur comme de l’intérieur».
Pour remédier à cette situation, il estime qu’«il est temps que les sphères publiques et privées mesurent l’ampleur du fléau et comprennent toute l’importance de stratégies audacieuses autant que citoyennes pour maintenir la démocratie et redonner à la Tunisie la vraie place qu’elle mérite au plan régional comme international».
Concrètement, pour renverser cette situation préoccupante, il propose d’agir sur la sensibilisation et la formation: «Car, sans une formation avisée et spécialisée, le pays ne pourra prendre conscience des potentiels qui constituent sa force vive», dit il. Dans cette perspective, il justifie la création à Tunis, d’un centre de formation professionnelle continue, Waito Institut, en partenariat avec le Ciffip.
Programme scolaire dédié à la lutte contre le commerce illicite
Professeur Pierre Delval a annoncé l’instauration, en marge des deux sessions de formation citées ci-haut, d’un partenariat public/privé entre le ministère de l’Education et Waito sur la mise en œuvre du programme d’éducation morale et civique dédié à la lutte contre le commerce illicite et la corruption, depuis le cycle primaire jusqu’au cycle secondaire. Pour lui, cette démarche initiée par le ministre de l’Education, Hatem Ben Salem, est une première mondiale.
Pour mémoire, Waito a axé, jusque-là, son intervention en Tunisie sur trois actions concrètes.
La première a consisté à apporter tout le concours nécessaire à la sauvegarde des entreprises. Dans cette optique, l’Ong a créé, au sein de la Confédération des entreprises citoyennes tunisiennes (Conect), le Centre Actions qui a pour objectif de lutter au niveau national contre la concurrence déloyale et le commerce illicite.
La seconde a pour objectif de diminuer les pratiques frauduleuses en amenant le secteur informel, représentant aujourd’hui 54% du PIB, à repasser à moyen terme sous la barre des 20%. Cette démarche implique un changement progressif de culture que seule l’éducation civique et morale peut apporter.
Waito, par un accord-cadre avec le ministère de l’Education signé il y a un mois, contribuera dès 2019 à l’élaboration d’un programme éducatif innovant, de l’école primaire au lycée, dédié à la lutte contre la corruption et le commerce illicite.
La troisième action porte sur la mise en œuvre, au sein du Ciffip, d’un programme de formation professionnelle continue en criminologie dédié à la lutte contre le crime organisé et le financement du terrorisme.
Ce type de formation, organisé par Waito Institut, est une première sur le continent africain puisqu’il a pour finalité d’apporter à toutes les entreprises, mais aussi aux administrations, aux politiques et aux médias, toutes les connaissances nécessaires à une meilleure compréhension des menaces criminelles en Tunisie et dans la région ainsi que les solutions pour les contrer.
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