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Youssef Chahed : Un timonier droit dans ses bottes au milieu des tempêtes

Dans l’entretien qu’il a donné hier soir, vendredi 21 décembre 2018, à la chaîne Attessia TV, le chef du gouvernement a laissé beaucoup de Tunisiens sur leur faim en restant évasif dans ses réponses à certaines questions. Il n’en demeure pas moins que Youssef Chahed a été très clair sur l’essentiel : il n’est pas homme à quitter le bateau au milieu de la tempête.

Par Ridha Kéfi

C’est cette attitude de boxeur puncheur qui encaisse tous les coups mais ne baisse jamais les bras et reste debout, chancelant certes mais debout, jusqu’au bout du match, en espérant rendre à la fin le coup décisif, qui énerve au plus haut point et commence même à désespérer ses nombreux adversaires politiques. Ces derniers, on l’imagine, ont ragé hier soir et certains se sont lâchés de nouveau contre lui sur les réseaux sociaux en le rendant responsable de tous les maux de la planète.

Il n’a pas promis la lune

Certes, M. Chahed est resté très évasif dans ses réponses aux questions de notre collègue Boubaker Ben Akeicha relatives à son avenir politique, au projet de parti dont on le dit porteur et à sa probable candidature aux prochaines élections. Mais on ne peut raisonnablement lui reprocher des dérobades ou des esquives sur l’essentiel.

À ceux qui lui reprochent la situation difficile des finances publiques, la hausse de l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat, sa réponse a été claire : en arrivant à la Kasbah, il n’a pas promis la lune. Dans son discours d’investiture, en août 2016, il a dit la vérité aux Tunisiens sur ce qui les attend : deux années 2017 et 2018 difficiles, un début d’éclaircie en 2019 et la fin du tunnel et la reprise d’une croissance forte en 2020.

Pour rendre la crise supportable par les plus démunis des Tunisiens, il a axé son effort sur les programmes à caractère social : deux hausses successives du Smig, cartes de soins gratuites délivrées à des dizaines de milliers de citoyens, hausse des aides sociales profitant à plus de 200.000 personnes, etc.

Pour le reste, le début d’éclaircie commence à être perceptible avec la reprise de la croissance, dès cette année 2018. Il reste à travailler sur les autres fondamentaux (rééquilibrage des balances commerciale, extérieure et des paiements, réduction des taux d’inflation, de déficit budgétaire et d’endettement).

Le gouvernement ne peut pas réussir tout seul

Du travail, beaucoup de travail reste donc à faire, mais le gouvernement ne peut pas réussir tout seul à relever tous ces défis. Il faut que tous les acteurs y mettent aussi du leur, à commencer par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qui tarde à examiner des dizaines de projets de lois présentés par le gouvernement et qui sont nécessaires pour le renforcement des réformes économiques (fiscales, du change, des marchés publics, etc.). Mais aussi les acteurs politiques, dont les discours «populistes» (c’est son mot) dans les travées de l’Assemblée et sur les plateaux de télévision, souvent truffées de contre-vérités voire de mensonges, ne feront pas avancer la situation socio-économiques dans le pays, puisqu’ils ne proposent aucune solution aux problèmes confrontés, mais font douter la population et tuent l’espoir d’une embellie prochaine.

Les citoyens ont aussi un rôle important à jouer, d’abord en cessant de bloquer la machine économique, par les arrêts du travail et les sit-in intempestifs devant les usines et les chantiers. La division par deux de la production de phosphate, passée de 8 millions de tonnes en 2010 à moins de 4 millions aujourd’hui est emblématique de cette chute de la valeur  travail et de la productivité observée partout dans le pays.

En d’autres termes, la responsabilité de la situation n’incombe pas seulement au gouvernement, mais à tous les acteurs politiques et à tous les citoyens, qui doivent reprendre goût au travail, à l’effort et au sacrifice pour aider à sortir le pays de la crise et le remettre dans un meilleur état aux générations à venir.

Arrêtons de diaboliser le FMI et les opérateurs privés !

Autre point important souligné par le chef du gouvernement : la diabolisation du Fonds monétaire international (FMI) et des hommes d’affaires est un mauvais procès, qui risque d’hypothéquer les chances de sortie de la crise. Et pour cause : c’est l’Etat tunisien qui a sollicité le FMI parce que le pays avait de graves problèmes de paiement et l’institution financière internationale a respecté ses engagements en accordant à la Tunisie des crédits d’un montant de plusieurs milliards de dollars en quelques années. Une grande partie de ces sommes est allée, sous forme d’augmentation de salaires, dans les poches de ceux qui ricanent aujourd’hui. Le FMI n’a rien imposé à la Tunisie et les réformes mises en œuvre ont été élaborées par le gouvernement, qui doit relancer l’économie pour pouvoir rembourser ses dettes.

Les hommes d’affaires, quant à eux, ont subi de plein fouet les contrecoups de la crise sévissant dans le pays depuis 2011. Ils payent leur part, sous formes de hausses de taxes, à l’effort de redressement général. La plupart d’entre eux multiplient les actions à caractère social : soutien aux populations démunies, restauration des écoles, aides aux jeunes entrepreneurs, création d’emplois dans les régions intérieures, etc. Ce sont eux qui vont investir et qui vont créer les richesses dont le pays a besoin. Ceux qui leur font la guerre sont en train de couper la branche sur laquelle ils sont assis.

Par ailleurs, à ceux qui ne cessent d’exiger des hausses salariales, M. Chahed, comme à son habitude, n’a pas fait de promesses : l’Etat n’a pas d’argent suffisant pour satisfaire toutes les revendications et il ne peut continuer à s’endetter pour payer des salaires au risque d’hypothéquer gravement l’avenir des générations à venir. En d’autres termes : ne mangeons pas aujourd’hui, par égoïsme et courte vue, le pain de nos enfants et de nos petits-enfants.

«Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurai accordé des augmentations salariales à tout le monde. Mais ce n’est pas mon argent que je gère mais celui de tous les Tunisiens. C’est une lourde responsabilité et je ne peux me laisser aller à des facilités. Ç’aurait été facile et politiquement payant. Mais le populisme n’a jamais fait manger un peuple», a lancé le chef du gouvernement à l’adresse de beaucoup de ses adversaires qui rivalisent de manœuvres, de coups bas et de saloperies pour le pousser à la démission et auxquels il a adressé, hier soir, un message on ne peut plus clair : il ira jusqu’au bout de son mandat.

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