Le président Béji Caid Essebsi (BCE), qui nous quittés hier, jeudi 25 juillet 2019, à l’âge de 93 ans, fut sans conteste l’un des maîtres du jeu politique tunisien avant et, surtout, après la révolution de 2011. Sans lui, la transition politique aurait été plus compliquée et, peut-être, moins pacifique.
Par Jamel Dridi
Il n’est un secret pour personne qu’il a refusé les appels du pied de nombreux pays, notamment de ceux du Moyen-Orient, de combattre le parti islamiste Ennahdha, en contrepartie de promesses d’aides et d’investissements s’élevant à des milliards de dollars, comme en a bénéficié l’Egypte après la chute du régime des Frères musulmans, la destitution de l’ex-président islamiste Mohamed Morsi et la prise du pouvoir, suite à un coup d’Etat militaire, par le général Abdelfattah Al-Sissi.
C’est parce que BCE était un patriote doté d’une grande intelligence politique, fruit d’une longue expérience d’homme d’Etat (il fut ministre de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères, président de l’Assemblée, Premier ministre et président de la république, excusez du peu !), il voulait surtout préserver la stabilité et la paix en Tunisie. Il savait qu’une mise à l’écart brutale d’Ennahdha aurait pu entraîner une guerre civile. Les violences auxquelles ont donné lieu les changements politiques brutaux au lendemain du Printemps arabe dans des pays comme le Yémen, la Libye et la Syrie, lui ont sans doute inspiré une démarche plus consensuelle et plus portée sur le dialogue et la recherche des dénominateurs communs pour garantir une transition sans heurts, même si c’est au prix de concessions calculées.
Ce qui a facilité la tâche de BCE, c’est qu’il avait le verbe facile et un remarquable sens de l’humour, sans oublier sa grande culture, sa connaissance des hommes et son intelligence des situations.
Il y a quelques semaines, il était hospitalisé en urgence et, alors que certains, dans une recherche irresponsable du scoop, l’avait annoncé mort, il se remit rapidement, réapparut et répondit ironiquement, en s’excusant d’être encore vivant. Il se savait très malade, mais il était déterminé à achever son mandat présidentiel qui tirait à sa fin. L’âge, la maladie et la mort inéluctable eurent finalement raison de son optimisme, son énergie et son bagou légendaires.
En 2011, sur le site des ‘‘Echos’’, j’avais écrit un article intitulé ‘‘La rentrée des classes politiques tunisiennes’’. J’y présentais BCE comme le maître stabilisateur d’une classe politique qui, à cette époque, tout juste après la chute du régime de Ben Ali, par son côté novice, risquait de plonger la Tunisie dans l’instabilité.
En ce 62e anniversaire de la République tunisienne, le maître stabilisateur a quitté la Tunisie. Pourvu que ceux qui l’ont côtoyé parmi les acteurs politiques actuels aient pris le temps de s’inspirer de sa pondération et de sa sagesse.
Au revoir BCE!
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