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Que pourra faire Kaïs Saïed pour redonner espoir aux jeunes ?

La séquence n’est pas anodine; elle est même exceptionnelle voire historique, et interpelle notre conscience citoyenne : un groupe de jeunes de Gafsa rejoignent à pied Carthage pour venir exposer leurs problèmes au président de la république Kaïs Saïed.

Par Ridha Kéfi

Ces jeunes ont parcouru plus de 150 km à pied pour venir rappeler à l’homme qu’ils ont porté à la présidence de la république qu’il a une dette envers eux, celle de ne pas les décevoir à l’instar de tous ses prédécesseurs, de leur assurer le minimum vital pour continuer à espérer de leur patrie, c’est-à-dire un emploi fixe et un revenu décent, ou du moins d’œuvrer sérieusement en ce sens avec le prochain gouvernement issu des dernières législatives.

Une marge de manœuvre doublement réduite

M. Saïed n’a certes pas fait des promesses à ses électeurs, mais il est conscient du fait que la patience de ces derniers sera à la mesure des actions qu’il entreprendra pour répondre à leurs attentes, et celles-ci sont immenses.

Il est conscient aussi du fait que sa marge de manœuvre est doublement réduite, car, d’abord, ses prérogatives de président de la république ne lui permettent pas d’intervenir directement dans la gestion des problèmes socio-économiques, qui sont du ressort de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et de la présidence du gouvernement.

Ensuite, et même s’il s’autorise des intrusions dans ces domaines, les difficultés actuelles des finances publiques et le ralentissement de la croissance économique rendent difficiles les arbitrages budgétaires de l’Etat (l’essentiel du budget allant pour les dépenses publiques et notamment pour le paiement des salaires) et la relance de la dynamique d’investissement, intérieure et extérieure, seule susceptible de créer des richesses et des emplois pour les quelques 700.000 chômeurs que compte la Tunisie, dont plus de 200.000 diplômés, un stock inchangé depuis la révolution de janvier 2011, dont les principales causes étaient, justement, le chômage et la mal-vie des jeunes.

Ce défi du chômage des jeunes et d’autres tout aussi importants (surendettement de l’Etat, délabrement des services publics, creusement du déficit des caisses sociales, quasi-faillite de nombreuses entreprises publiques, etc.) sont remis à l’ordre du jour, au moment où la Tunisie peine à constituer son prochain gouvernement, les acteurs politiques restant, pour la plupart, prisonniers de leurs petits calculs politiques et soucieux de se repositionner en perspective des prochaines élections, dans cinq ans, comme si, d’ici là, le pays sera encore en mesure de préserver une transition démocratique qui ne fait pas manger son homme.

Au-delà de l’émotion qu’elle a suscitée auprès d’une grande partie de l’opinion (et on ne parle pas ici des esprits chagrins, non encore remis de la catastrophe qu’a constitué à leurs yeux l’élection de Kaïs Saïed), la séquence d’hier au Palais de Carthage vient rappeler à tous les acteurs politiques tunisiens le crédit moral et politique dont bénéficie aujourd’hui l’actuel locataire du Palais de Carthage et qui l’habilite, si tant est qu’il y est préparé lui-même, à constituer, autour de la dynamique politique qu’il a réussi à créer autour de sa personne, un mouvement politique de refondation nationale.

Réduire les écarts de fortune et redonner sens au vivre-ensemble

Cette séquence vient aussi interpeller les dirigeants des partis, dont la plupart ont déjà été vomis par les Tunisiens, pour les rappeler à leurs devoirs citoyens et les appeler à laisser leurs petits ego aux vestiaires, à oublier un moment leurs petites ambitions de pouvoir et à prendre conscience de la gravité du moment et de sa portée historique, car c’est le moment où jamais pour constituer, autour de Kaïs Saïed, une dynamique nouvelle, politique et économique, qui régénère et refonde le projet national tunisien, aujourd’hui à bout de souffle et qui a besoin d’être relancé sur la base d’un nouveau contrat social.

Ce contrat social doit être basé sur un nécessaire rééquilibrage de la répartition des efforts et des richesses, entre les régions, les couches sociales et les catégories socio-professionnelles, afin de réduire les écarts de fortune, mettre fin aux privilèges indus et œuvrer pour que tous les citoyens soient réellement égaux en droits et en devoirs.

Au moment où des centaines de milliers de jeunes peinent à trouver un emploi décent et où beaucoup d’entre eux succombent aux sirènes de l’extrémisme religieux ou de la migration clandestine, il n’est plus permis que des Tunisiens soient plus égaux que d’autres, que l’Etat reste au service de lobbys, de clans et de corporations privilégiés, et veille à préserver leurs rentes de situation, aux dépens du reste de la population.

C’est là le principal message adressé par les Tunisiens lors des dernières législatives et présidentielles. L’ignorer et continuer comme si de rien n’était, c’est ouvrir la boîte de Pandore de graves conflits sociaux, qui emporteront tout le monde dans leur tourmente.

L’égoïsme a toujours été mauvais conseiller et seule une solidarité active entre les enfants d’un même pays peut donner sens au vivre-ensemble.

À bon entendeur…

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