Dans un communiqué publié aujourd’hui, 14 novembre 2019, sur la page facebook du parti, le bureau médiatique du mouvement Machrou3 Tounes a assuré que ce dernier avait décidé de voter pour un candidat autre que celui d’Ennahdha, Rached Ghannouchi. Pourtant, ses 4 députés qui font partie du bloc parlementaire de «la Réforme nationale», ont bien voté pour le leader islamiste.
Par Cherif Ben Younès
«La Réforme nationale est un bloc technique et composé de députés issus de plusieurs partis : Machrou3 Tounes, Nidaa Tounes, Al Badil Ettounsi, Afek Tounes et des indépendants, et ce sont des partis et personnalités individuellement responsables de leurs positions et de leurs choix politiques ou personnels», lit-on notamment dans ledit communiqué.
Ce sont les intérêts personnels qui orientent les choix des députés dont les partis ne font pas le poids
Pour rappel, Tarek Ftiti, porte-parole de la Réforme nationale, avait laissé entendre, la semaine passée, que son bloc, composé de députés supposément modernistes, sera dans l’opposition, assurant qu’il n’accordera même pas son vote de confiance au nouveau gouvernement si son chef proposé sera issu du parti islamiste, Ennahdha.
Il paraît que, depuis, les choses ont changé. Et les membres de ce bloc ont décidé de privilégier leurs intérêts personnels au détriment de leur présumé progressisme et de leurs principes et valeurs (en supposant qu’ils en ont possèdent).
Et, si on en croit le communiqué cité ci-haut, ils ont également décidé de contredire les choix politiques de leurs partis respectifs. C’est, en tout cas, le cas des députés de Machrou3 Tounes… qui ont probablement estimé que le poids politique de ce dernier, du fait de ses résultats décevants aux législatives (4 sièges) et de ceux de son président, Mohsen Marzouk (0,22% des voix), à la présidentielle, ne vaut pas la peine d’y tenir.
De quoi remettre en question, une fois de plus, le tourisme parlementaire
De quoi rouvrir le débat sur le «tourisme parlementaire». Une pratique tout à fait légale qui donne aux députés le droit de passer allègrement d’un groupe parlementaire à un autre et, donc, d’un parti politique à un autre, ce qui fausse le choix des électeurs, dont une grande partie ne vote pas spécialement le candidat, lors des élections législatives, mais le parti qu’il représente.
Cette pratique a, de ce fait, longtemps créé la polémique durant la période législative précédente (2014 – 2019) et de nombreuses personnes ont revendiqué son abolition…
Il y a eu même un projet de loi allant dans ce sens, qui n’a logiquement pas été adopté par l’ancienne Assemblée des représentants du peuple (ARP), et ce conformément aux… intérêts personnels de ses membres.
En effet, aussi stupide cela soit-il, on a eu affaire à un cas où des individus étaient à la fois juges et parties, ce qui violait la formule juridique basique : «Aliquis non debet esse judex in propria causa, quia non potest esse judex et pars» (Personne ne devrait être juge dans sa propre cause, parce qu’il ne peut pas être juge et partie).
Aujourd’hui, une autre loi non moins controversée est remise en question et ne sera probablement, pour la même raison, jamais annulée : celle qui donne aux députés une immunité parlementaire.
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