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La Turquie pousse ses pions en Tunisie via la Tika, mais pas seulement…

Loin de toute obsession complotiste, force est de constater que la Turk Isbirligi ve Kalkinma Ajansi (Tika) a gagné bien du terrain dans notre pays, depuis 2012. Discrètement, elle a lancé près de 160 projets et sillonné tous les coins de notre territoire national, suivant une démarche qui s’organise autour d’une proximité poussée auprès des couches vulnérables que l’ancien régime avait trop longtemps négligées…

Par Marwan Chahla

En l’espace de huit années de présence et d’activité dans notre pays, cette Agence turque de coopération et développement (Tika) a mis en oeuvre 157 projets de développement qui, si l’on en croit le quotidien turc anglophone The Daily Sabah (TDS), «ont laissé une empreinte profonde en Tunisie, en apportant soutien au développement et aide humanitaire à ce pays.»

«A mesure que la Turquie et la Tunisie ont consolidé les liens de leur coopération bilatérale, la Tika a joué un rôle crucial et gagné le cœur de la population de ce pays d’Afrique du nord», écrit TDS, ajoutant que l’Agence «a été, depuis la date de sa création [en 1992, ndlr], le fleuron de la coopération internationale turque, qu’elle n’a jamais manqué de tendre sa main secourable à tant de pays à travers le monde et sur tous les continents de la planète, par le biais de ses programmes divers et variés et couvrant les domaines de la formation professionnelle, le soutien de l’activité agricole, les services de santé et les infrastructures.»

Un élément essentiel de la politique étrangère de la Turquie

TDS n’en finirait d’énumérer la «longue liste des réussites» de la Tika, qui lui valent la considération d’être «l’élément essentiel de la politique étrangère de la Turquie et de son assistance humanitaire totale, et de la mise en valeur de la solidarité turque avec des pays avec lesquels la Turquie entretenait par le passé des relations minimales.»

Cet essor de la coopération tuniso-turque, qui a démarré, selon TDS, en 2012, c’est-à-dire sous la règne de la Troïka – la coalition gouvernementale tripartite conduite par le mouvement islamiste Ennahdha-, a ouvert aux opérations de la Tika les villes Bizerte, Monastir, Sidi Bouzid, Medenine, Jendouba, Manouba, Gabès, Béja et leurs alentours. Dans ces régions du nord, du sud, de l’est, de l’ouest et du centre du pays, l’Agence turque a eu tout le loisir de déployer ses efforts de développement de l’agriculture et de l’élevage et «de gagner ainsi le cœur des populations locales».

Selon les estimations de TDS, pendant les huit années de présence dans notre pays, l’action généreuse de la Tika a profité à quelque 355 familles tunisiennes, autrement délaissées, donné le coup de pouce à la relance de plusieurs activités artisanales (céramiques, textiles, gastronomie, tissage de tapis, entre autres) et «contribué ainsi de façon remarquable à la création de centaines d’emplois…»

On n’oserait jamais remettre en question la bienveillance de la Tika et des associations de la société civile tunisienne – sans doute toutes proches du parti islamiste Ennahdha – qui ont servi de relais à son travail sur le terrain dans notre pays.

La générosité turque a des limites et elle n’est pas gratuite

Pourtant, des questions méritent d’être posées quant l’altruisme des opérations de l’Agence. Indéniablement, cette dernière a été d’un secours appréciable pour tous les Tunisiens dont le chemin a croisé celui de ce que TDS qualifie de «porte-drapeau de la coopération humanitaire turque».

Mais la coopération tuniso-turque, ainsi qu’elle est mise en avant par TDS, ne dit pas tout sur la «fausseté» des relations liant les deux pays depuis janvier 2011. La présentation de faits du quotidien turc pro-gouvernemental omet de mentionner que la générosité turque a des limites et qu’elle n’est pas gratuite. En témoignent l’énorme déficit des échanges commerciaux entre les deux pays – qui est bénéficiaire à la Turquie, de toute évidence!- et le fait que notre pays se tourne, de plus en plus, vers Ankara, les amis personnels, les membres du clan et la famille du président turc Recep Tayyip Erdogan, pour s’équiper militairement…

Souvenons-nous qu’un iceberg a une partie visible et une autre, plus considérable, qui est immergée…

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