Au-delà des professions de foi en faveur de la lutte contre la corruption, les progrès de la Tunisie en la matière ne convainquent pas Chawki Tabib, président de l’Inlucc. Des lois ont certes été adoptées, mais, pour l’essentiel, le pays manque toujours de moyens et de détermination pour que ces dispositions légales soient appliquées entièrement… La résistance des lobbys est tenace.
Par Marwan Chahla
Hier, jeudi 27 février 2020, dans une déclaration au micro de Mosaïque FM, Chawki Tabib, le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), n’a pas mâché ses mots en déplorant que ce combat peine à réaliser ses objectifs, à cause d’un manque «de moyens et de détermination» des pouvoirs publics.
«J’ai travaillé par le passé avec les gouvernements de MM. Habib Essid et Youssef Chahed, et nous avions pu progresser dans notre lutte contre la corruption. Nous ne nions pas cela. Mais il reste, vraiment, beaucoup à faire. Et pour que notre travail puisse donner entière satisfaction, il faut, une bonne fois pour toutes, que les pouvoirs publics s’engagent totalement et sans aucune réserve dans ce combat», martèle le président de l’Inlucc, qui a choisi de faire entendre sa voix, plus haut que d’habitude, le jour où le nouveau chef du gouvernement, Elyès Fakhfakh, et tous les membres de son équipe se sont pliés à la règle de la déclaration de leurs biens et intérêts.
Le cérémonial et la symbolique ne suffisent plus
Pour Chawki Tabib, le cérémonial et la symbolique de ces déclarations ne suffisent plus. Que la lutte contre la corruption figure parmi les axes prioritaires de la feuille de route contractuelle qu’Elyès Fakhfakh a fixés pour son gouvernement ne suffit pas, non plus.
«Il n’est plus admissible de se contenter de demi-mesures, d’un pas en avant et de deux pas en arrière. C’est une lutte de tous les instants et qui doit être menée jusqu’au bout», revendique le président de l’Inlucc, étayant ces propos par le fait qu’«il est vrai que les législateurs ont adopté des lois à ce sujet, mais celles-ci tardent encore à être appliquées et les ordres de leur mise à exécution ne sont pas toujours donnés… Bref, nous avons pris trop de retard», s’exaspère Chawki Tabib.
Une nouvelle fois, le président de l’Inlucc met en garde: «il ne faut pas céder à la pression de lobbys, qui exercent leur influence là où ils peuvent, au sein de l’administration, dans certains milieux des affaires, ou que sais-je encore… C’est pour cette raison que j’insiste que la volonté politique sur laquelle s’appuiera ce combat contre la corruption se doit de rompre avec les pratiques du passé et d’être ferme et définitive.»
L’avertissement de Transparency International
Il y a un mois, également, l’Ong internationale Transparency International a publié une note sur la lutte contre la corruption en Tunisie dont le verdict est sans appel: «Selon les données dont nous disposons, durant les neuf dernières années, la Tunisie n’a nullement progressé en matière de lutte contre la corruption. Cela veut dire que les institutions de l’Etat, bien qu’ayant à leur disposition un arsenal de mesures légales, sont ‘cliniquement mortes’ et tout le monde contribue à sa manière à l’institutionnalisation et à la légalisation de la corruption.»
La tâche est grande et le retard pris est énorme. Elyès Fakhfakh et son équipe savent à quoi s’en tenir. A commencer par Mohamed Abbou, le nouveau ministre d’Etat chargé de la Fonction publique, de la Bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption, réputé incorruptible, et qui a maintenant une occasion pour le prouver.
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