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Covid-19 : Éviter l’hécatombe par une bonne gouvernance de crise

La marge de manœuvre du gouvernement est très réduite.

Le coronavirus et le confinement de millions de personnes va anéantir l’économie tunisienne, si ce n’est pas déjà fait… La raison est simple : l’économie réelle a été très durement affectée et cela va sans dire que tous les Tunisiens doivent former un front uni contre un ennemi commun qui ne différencie ni appartenance politique ni orientation idéologique.

Par Samir Trabelsi, Najah Attig et Moktar Lamari *

Le monde entier est frappé de plein fouet par la pire crise économique de son histoire, et pour cause un ennemi invisible : Covid-19. Il ne faut quand-même pas se tromper! Déjà tous les signes étaient réunis pour un ralentissement de l’économie globale : fragilités macroéconomiques, incertitude politique, tensions américano-chinoises et américano-iraniennes, des accords Opep+ moins respectés et une croissance en chine de 6%, un des plus bas taux de croissance en chine depuis des décennies. Et qui dit Chine dit plus de 15% du produit mondial brut. Et comme le malheur ne vient jamais seul, Covid-19 vient planter le dernier clou dans le cercueil de l’économie mondiale, causant une récession économique à l’échelle de la planète qui s’annonce très (peut-être beaucoup trop) sévère, plus qu’elle a déjà ravagé à la fois les marches financiers, l’ensemble de l’économie réelle, et l’économie sociale… et dont les effets vont se faire sentir dans plusieurs années à venir.

Cette fois-ci «Si on est pessimiste», on n’est pas fini, ou du moins on ne veut pas finir !!!

Certainement, pour éviter le pire, nous, la Tunisie et les Tunisiens, devrons montrer d’emblée que nous nous sommes prêts à affronter le pire. Sans doute, l’ampleur du choc Covid-19 déprendra non seulement des remèdes et manœuvres financières mis en place par l’actuel gouvernement, la banque centrale, et les autres partie prenantes (e.g. instances internationales et partenaires commerciaux) de l’économie tunisienne déjà trop affaiblie et en crise, mais surtout des initiatives politiques, sociétales, entrepreneuriales et de l’innovation technologique mises en applications pour soutenir les objectives stratégiques d’après-crise Covid. Ceci nécessite une vraie gouvernance de crise… et un comité «Task Force» à l’image de ce qui a été fait dans les nations le plus développés.

Hélas, alors que la gouvernance de crise exige l’unité de commandement, les trois présidents sont en compétition médiatique sur des prérogatives et ce en dépit de marasme sanitaire, sociale, et économique que connait la Tunisie.

Tunisie et Covid-19 : le Bon, la Brute, le Truand

Même si, selon son modèle, La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) a jugé, hier, vendredi 3 avril 2020, que la résilience de la Tunisie aux chocs est modérée (au fait elle varie de faible à élevée et ce dépendamment de la nature du choc), la Berd considère que les niveaux actuels d’endettement et des déficits budgétaires et du coût de l’endettement sur les marchés détermineront dans une large mesure la capacité du pays à faire face aux impacts du Covid-19 et à soutenir les individus et les entreprises face à cette pandémie.

Mettons-nous d’accord le coronavirus et le confinement de millions de personnes va anéantir l’économie tunisienne, si ce n’est pas déjà fait… La raison est simple : l’économie réelle a été très durement affectée et cela va sans dire que tous les Tunisiens doivent former un front uni contre un ennemi commun qui ne différencie ni appartenance politique ni orientation idéologique.

Exsangue et déficitaire, le budget de l’État tunisien a réussi, de peine et de misère, à mobiliser 2,5 milliards de DT pour contrer la crise du Covid-19. Et ce n’est pas suffisant! Et n’est guère étonnant si on ne voit pas du tout l’effet sur une économie en panne, surtout en absence de solution réelle pour maintenir une économie réelle flottante.

Même si l’aide sociale aux personnes en besoins, la subvention au titre du chômage technique, et l’exemption de l’ensemble des salariés et des secteurs marginalisés du paiement des mensualités des crédits bancaires pendant une période de trois mois sont à saluer, ces initiatives ne sont non seulement pas suffisants mais elles apportent leurs propres risques idiosyncratiques : des pressions inflationnistes voir même méga-inflationnistes.

Il ne faut pas être aveuglé par la crise de santé

Rappelons-nous que l’argent gratuit est un produit politique et non pas économique. Certes, Covid-19 ne doit pas cacher d’autres vrais problèmes liés à ces initiatives. Déjà, les 200 dinars risquent d’être utilisés en majorité pour répondre à des besoins de consommation immédiate sans oublier que dans quelques jours l’avènement du ramadan avec tous ce que ce mois saint implique en terme de consommation excessive. Et puis que dire des presque quatre millions de citoyens vivant aujourd’hui une précarité alarmante les fragilisant de plus en plus, dans un contexte de pandémie. Puis, que faire des PME – la colonne vertébrale de notre tissue économique –, que faire des gens mis à pied, si la pandémie continue pour encore 6 mois.

Les décideurs en Tunisie ne doivent pas être aveuglés par la crise de santé Covid-19, et sous-estiment les méfaits des conséquentes crises économique et sociale dont on ne peut pas voir la fin. Nos partenaires commerciaux, la France, l’Italie et l’Allemagne (voir figure 1) prévoient déjà, sur un scénario de crise sanitaire achevée fin juin et des contractions économiques sans précédents.

Figure 1 : Trade Flow char

Source : Bloomberg.

Certains scientifiques (selon leurs ‘‘outbreak models’’) estiment que l’Humanité sera chanceuse si la crise de santé s’achève vers le dernier trimestre de 2020 et là encore, pour éviter le pire, on doit être prêts pour affronter le pire.

Les risques des pressions inflationnistes (vu la monnaie en circulation va augmenter sans contrepartie réelle), l’éclatement du taux de chômage, et une aggravation du niveau de la dette et du déficit budgétaire sont bien réels. Que faire? Est-ce que la situation/le problème est complexe?

Limiter au minimum les répercussions sociales de la crise

À vrai dire, le problème est simple, voire très simple, mais les solutions sont très complexes. L’injection de liquidité, d’une façon directe ou indirecte, peut avoir un effet à court-terme. Heureusement, qu’avec un tel taux directeur la banque centrale semble être bien outillée pour utiliser la politique monétaire afin de relancer notre économie.

La Tunisie doit se mettre à table avec les instances internationales pour négocier des solutions à long-terme pour limiter au minimum les répercussions de cette crise sur le social, l’économie et la santé. Une bonne gouvernance de crise nécessite une collaboration entre les différents intervenants sous le leadership d’un gouvernement FORT, et une utilisation optimale des ressources limitées pour implémenter des interventions adaptées au niveau des risques.

Pour conclure, et juste à titre d’exemple, le gouvernement du Canada a décidé de subventionner 75 % du salaire des employés des PME touchées par la pandémie, avec un effet rétroactif au 15 mars 2020 et pour un maximum de trois mois. Bien évidement avec un plan détaillé des critères d’admissibilité, l’objectif est d’encourager les employeurs à maintenir leurs employés et éviter les mises à pied, tout en préparant l’économie pour un vrai décollage.

* Enseignant-chercheur en gouvernance, Brock University, Canada.

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