La pandémie actuelle du Covid-19 montre chez beaucoup de journalistes tunisiens une volonté d’informer au mieux le public mais elle montre également leur manque de formation scientifique pour diffuser des informations de la manière la plus précise qui soit. Le secteur de l’information gagnerait beaucoup former des journalistes-scientifiques, à l’instar des journalistes économistes, financiers, historiens, littéraires, etc.
Par Saïda Aroua *
Ces derniers temps de pandémie du Covid-19, les médias nous ont gratifiés avec des émissions de très haute qualité scientifique et journalistique. Nous avons, alors eu l’occasion d’écouter des compétences scientifiques et médicales de notre chère Tunisie. Un réel plaisir !
Nous nous en félicitons même si les temps sont très difficiles. Nos journalistes sont en train de faire des efforts louables dans ce sens pour éclairer le peuple tunisien.
Cependant, la rapidité, la fréquence et le nombre croissant des événements mettent les journalistes et les animateurs d’émissions dans différents médias en confrontation avec des faits scientifiques qui demandent très souvent une maîtrise scientifique du sujet traité pour éviter de propager des informations scientifiquement non valides.
En dehors des nombreuses invitations de spécialistes, malheureusement, c’est le constat que l’on pourrait faire ces derniers temps en rapport avec la pandémie du Covid-19.
Pour ne prendre qu’un exemple, une confusion entre l’appellation de la maladie Covid-19 et celle du virus SRAS-COV 2, responsable de la maladie. En effet, cette maladie à coronavirus est appelée Covid-19 en reprenant l’acronyme anglais coronavirus diseases 2019. C’est une maladie virale causée par la souche de coronavirus SRAS-CoV-2. Cette confusion a mené vers l’affirmation «séquençage du virus Covid 19». Une affirmation, qui est scientifiquement non valide.
Un autre exemple. Dans ce cas, l’information est erronée. Il a été dit que «l’équipe scientifique de l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis a réalisé le séquençage du virus. En fait, le virus SRAS-CoV-2, étant un virus à ARN, le séquençage porte sur l’ARN du virus. Aussi, jusqu’à présent, seuls deux gènes ont été séquencés à des fins de comparaisons et non l’ARN tout entier.
Ceci m’amène à revenir sur une idée que j’avais suggérée à une étudiante en biologie vers la fin des années 2000. Ayant constaté que, dans son travail de recherche scientifique, il y avait une touche prononcée d’un travail journalistique, je lui avais alors suggéré de faire une formation supplémentaire pour devenir une scientifique journaliste, en lui disant qu’en Tunisie, nous en avons un grand manque.
La pandémie actuelle montre l’engagement de beaucoup de journalistes pour informer au mieux le public mais elle montre également les difficultés liées au manque de formation scientifique pour la diffusion d’informations scientifiques de la manière la plus précise qui soit. Le secteur de l’information gagnerait beaucoup à la formation de journalistes-scientifiques (biologistes, physiciens,…), à l’instar des journalistes économistes, financiers, historiens, littéraires, etc.
De fait, ici, j’en appelle :
1- mes collègues enseignants-chercheurs en sciences et en médecine à intervenir dans les médias et à faire un travail pédagogique immédiat permettant de lever toutes les confusions diffusées actuellement par ces médias;
2- nos journalistes, sincères et dévoués, à prendre le temps de suivre une formation afin d’éviter de propager des informations scientifiquement non valides;
3- mes collègues enseignants-chercheurs en sciences et en médecine qui sont encore en exercice à penser à créer un master co-construit journalisme-sciences et médecines.
* Universitaire retraitée.
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