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Pour contrer la Turquie, l’Egypte propose une «initiative de paix» pour la Libye

Aguila Salah, Abdelfattah Al-Sissi et Khalifa Haftar.

Le président égyptien Abdelfattah Al-Sissi, revenu dans le jeu diplomatique, a présenté une «initiative de paix» en Libye comportant l’instauration d’un cessez-le-feu à partir du lundi 8 juin 2020, et une représentation équitable des régions dans le Conseil présidentiel libyen.

Par Hassen Zenati

Le chef de l’Etat égyptien s’exprimait dans une conférence de presse samedi 6 juin 2020, en présence du maréchal Khalifa Haftar et du président du Parlement de Tobrouk, Salah Aguila, de retour de Moscou, où il a eu des consultations avec des dirigeants russes sur la situation en Libye après les revers subis par le maréchal Haftar aux portes de Tripoli.

L’initiative égyptienne intervient dans un contexte marqué par le lancement le même jour par le Gouvernement d’entente nationale (GEN) d’une opération baptisée : «Les voies de la victoire» qui doit, a-t-il affirmé, conduire ses troupes jusqu’à Joufra et Syrte.

L’opération s’inscrit dans le sillage de la reconquête de la capitale, Tripoli, de plusieurs villes du littoral, dont Tarhouna, Sabratha et Sorman, ainsi que de la base stratégique d’Al-Watya et de l’aéroport international de Tripoli, qui étaient sous le contrôle des troupes du maréchal Haftar depuis avril 2019.

Tripoli veut rétablir l’autorité de l’Etat sur Syrte

«Des ordres ont été donnés aux troupes du GEN de s’avancer vers El-Ouachka et Syrte», a ainsi annoncé le porte-parole de cette opération Mohammed Gnounou dans l’après-midi de samedi. «Nos troupes ont reçu l’ordre de frapper les foyers de dissidence puissamment et avec détermination», a-t-il souligné, en appelant «à la raison» les notables de la région afin qu’ils épargnent aux deux agglomérations les «affres de la guerre».

«Cela fait 14 mois que nous les appelons à la raison. C’est notre dernier appel, car nous ne reviendrons pas sur notre décision de rétablir l’autorité de l’Etat sur Syrte», a-t-il menacé.

En se ralliant spectaculairement et d’une façon inattendue à la proposition d’une «solution politique» préconisée par les deux autres voisins de la Libye, la Tunisie et l’Algérie, le président Al-Sissi semble ainsi avoir pris acte de l’échec subi par le maréchal Haftar dans sa tentative d’imposer une «solution militaire» de sortie de la crise née de la chute du colonel Mouammar Khadafi en 2011.

Après avoir conquis l’est libyen et le croissant pétrolier en menant une guerre implacable aux groupes islamistes notamment, le maréchal Haftar était parti il y a un an à l’assaut de la capitale, Tripoli, siège du GEN, qu’il prévoyait d’enlever rapidement, pour y installer un nouveau pouvoir sous son propre contrôle. Il avait affirmé qu’il détenait un «mandat» pour mener cette guerre-éclair, sans indiquer les circonstances dans lesquelles il l’aurait reçu, ni les parties qui l’auraient mandaté.

L’Egypte pointe du doigt la Turquie sans la nommer

Selon Abdelfattah Al-Sissi, l’initiative égyptienne comprend une représentation équitable des trois régions libyennes au Conseil présidentiel, présidé par Fayez Sarraj, la fusion des institutions de l’État libyen et l’adoption d’une déclaration constitutionnelle, ainsi que le retrait des mercenaires étrangers, le désarmement des bandes armées et le respect de tous les efforts internationaux déployés en faveur de la Libye.

«Nous mettons en garde toute partie en Libye contre toute intention de poursuivre une solution militaire à la crise du pays», a conclu Abdelfattah Al-Sissi, pointant implicitement du doigt la Turquie, dont le soutien militaire décisif, a permis le basculement spectaculaire du rapport de forces sur le terrain au profit du GEN de Fayez Sarraj.

Avec cette initiative inattendue, l’Egypte revient dans le jeu diplomatique, ce qui lui permettrait d’encadrer, aux côtés de la Tunisie et de l’Algérie, ainsi que de l’ONU et de l’Union Africaine (UA), d’éventuelles négociations entre les belligérants libyens.

Il reste cependant à espérer que Fayez Sarraj trouvera suffisamment de raisons pour opter pour une solution négociée inter-libyenne et ne se laissera pas guider par son encombrant allié turc, qu’il a lui-même mis au cœur du jeu géo-stratégique en Libye et au Maghreb.

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