Le projet non abouti de l’Université tuniso-allemande reste entouré de nombreux mystères malgré les mises au point laconiques et vaseuses, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) et de l’ambassade d’Allemagne en Tunisie, qui se veulent, toutes deux, rassurantes mais qui laissent les universitaires sur leur faim et particulièrement au sujet de la gravité des accusations portées à l’encontre de l’ancien ministre Slim Khalbous, soupçonné de violation de l’éthique universitaire et d’instrumentalisation de son poste ministériel pour servir ses intérêts personnels.
Par Habib Mellakh *
L’affaire du projet de création d’une université tuniso-allemande à Tunis, annoncé depuis cinq ans, a suscité, dernièrement, une grande polémique sur les réseaux sociaux, dont les sites électroniques et les internautes tunisiens se sont fait largement l’écho. Elle a défrayé, de nouveau, la chronique à la suite d’un post publié sur le réseau social Facebook par Slim Khalbous, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, qui a abandonné, il y a près d’un an, son poste ministériel pour présider l’Agence universitaire de la francophonie (AUF).
Réagissant à l’annonce de la création d’une université allemande au Maroc, l’ancien ministre, peu prolixe pendant son mandat sur les étapes de concrétisation du projet tuniso-allemand, a déclaré que cette université aurait dû ouvrir en Tunisie mais que les Allemands avaient préféré le Maroc, expliquant leur revirement par la lourdeur bureaucratique et les lois restrictives «en matière d’investissement privé et étranger dans le secteur universitaire». S’attribuant la paternité du projet et mettant en exergue tout le travail qu’il avait accompli pour le faire aboutir, il a accusé «un lobby politique populiste» et certains syndicalistes dogmatiques de l’avoir fait avorter en faisant du lobbying auprès des députés pour qu’ils n’examinent pas un projet de loi qu’il avait soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en vue d’assouplir les conditions d’installation des universités étrangères en Tunisie.
Le projet n’a pas été abandonné par le gouvernement allemand
Mais cette version a été démentie par le MESRS qui s’est dit déterminé à réaliser ce projet dans les meilleures conditions, et par l’ambassade d’Allemagne qui a déclaré que le projet n’avait pas été transféré au Maroc et qu’il n’avait pas été abandonné par le gouvernement allemand.
Le démenti le plus cinglant est venu du professeur Adel Ben Amor, ancien haut responsable sous le ministère de Chiheb Bouden, qui a non seulement accusé Slim Khalbouss d’avoir usurpé la paternité du projet élaboré du temps de Chiheb Bouden mais aussi et surtout de l’avoir saboté au profit de la création d’une université franco-tunisienne dont il a accéléré la mise en place dans un contexte où il menait une campagne électorale en vue de devenir le recteur de l’AUF, faisant passer son intérêt personnel avant l’intérêt de la nation et se servant de son poste ministériel pour servir sa propre carrière.
Le projet reste entouré de nombreux mystères malgré la mise au point du MESRS, qui est laconique et vaseuse ainsi que celle de l’ambassade d’Allemagne en Tunisie qui se veulent, toutes deux, rassurantes mais qui laissent les universitaires sur leur faim et particulièrement au sujet de la gravité des accusations portées à l’encontre de l’ancien ministre soupçonné de violation de l’éthique universitaire et d’instrumentalisation de son poste ministériel pour servir ses intérêts personnels.
Aussi, l’Association tunisienne de défense des valeurs universitaires (ATDVU), soucieuse de la transparence et du respect de la loi ainsi que des valeurs universitaires quand il s’agit aussi bien de la gestion des affaires courantes que de la conduite de la coopération internationale, appelle-t-elle le MESRS à faire la lumière sur cette affaire grave et l’invite-t-elle à éclairer notre lanterne au sujet des interrogations légitimes suivantes :
Plusieurs mises au point et autant de mystères
1) S’agit-il d’un projet d’université tuniso-allemande, fruit d’un partenariat entre les deux pays ou d’un projet d’université allemande à Tunis conçu et élaboré uniquement par la partie allemande car le communiqué ministériel est très équivoque à ce sujet ?
2) Quelles sont les étapes franchies, au cours des cinq dernières années, sur la voie de la concrétisation du projet d’université tuniso-allemande (constitution d’une commission ad hoc, acquisition de terrain, réunions régulières…), et sinon, quelles sont les entraves qu’il a rencontrées et/ou qu’il rencontre encore ?
3) l’Université projetée sera-t-elle publique ou privée ? Dans la première alternative, à quel cadre juridique sera-t-elle soumise, et dans la deuxième alternative, sera-t-elle fondée conformément à la loi de 2008 qui précise la part des investissements étrangers dans le capital d’une université privée créée en Tunisie ?
4) Dans le cas où le projet est réellement avancé, les deux parties concernées ont-elle retenu une date pour son inauguration ?
* Président de l’Association tunisienne de défense des valeurs universitaires.
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