Lors de la première attaque par le coronavirus et du confinement aux mois de mars-avril 2020, des centres d’écoute et de soutien psychologique et des numéros verts ont été mis en service pour aider les personnes en détresse. Cette prise en charge doit de nouveau être remise en place et étoffée. Elle doit également se faire au niveau des hôpitaux qui hébergent des malades Covid-19 avec l’encadrement psychologique des patients et de leurs familles.
Par Pr Ridha Bergaoui *
Depuis un certain temps, la Covid-19 s’est introduite et s’est bien installée parmi nous, comme partout ailleurs, malheureusement pour longtemps encore. Cette pandémie ne cesse de faire de plus en plus de ravages. Selon le ministère de la Santé, le nombre de morts par la Covid-19, depuis le début de la pandémie, a dépassé 1100. Alors que le nombre de malades hospitalisés, en soins intensifs et sous respirateurs ne cesse d’augmenter.
En attendant la disponibilité d’un vaccin efficace et d’un médicament approprié, l’accent est mis sur la sensibilisation aux mesures sanitaires préventives comme la distanciation, l’utilisation du masque facial, le lavage fréquent des mains, la limitation des attroupements et des déplacements avec l’instauration, dans certaines régions, d’un couvre feu nocturne.
Combattre la Covid-19 est une véritable guerre. Malheureusement, la Tunisie est mal outillée pour faire face à ce fléau. Des difficultés commencent déjà à se manifester et risquent de s’aggraver encore avec la propagation rapide de ce fléau.
Vivre dans la hantise d’attraper le virus
L’infrastructure hospitalière nationale est délabrée et insuffisante. Le personnel médical et paramédical est à bout. Sur les réseaux sociaux, des vidéos et des témoignages font état du surbooking des hôpitaux. Des malades gisent par terre, dans les services des urgences des hôpitaux, dans des conditions lamentables. Des indélicatesses et du manque de respect envers les personnes malades ou décédés de la Covid-19 sont rapportés au quotidien. Des cadavres emballés dans des sacs noirs sont trainés et enterrés, selon un protocole sanitaire bizarre, parfois sans aucun respect de la personne ni des sentiments de ses proches.
Quoique les jeunes semblent être moins touchés que les personnes âgées ou dont les défenses immunitaires sont déficientes et qui souffrent de maladies chroniques, ces jeunes ont peur et vivent dans la hantise d’attraper le virus et de contaminer leurs parents et proches. Les personnes âgées, à risque et fragiles se sentent, à chaque instant et partout, menacées par le vilain coronavirus et leur vie mise en danger.
Tous ces éléments représentent pour le citoyen une source de stress, d’angoisse et de peur. Peur de tomber malade, de souffrir, de ne pas être soigné et de finir dans un sac noir sans pouvoir dire adieu à ses proches ni être enterré dignement.
L’aspect psychologique est totalement négligé
L’état psychologique de la population est au plus bas. Le citoyen se sent abandonné. Désormais il ne pourra plus compter que sur soi-même et sur ses capacités physiques, morales et financières très limitées.
Comme dans toute guerre, l’aspect psychologique est fondamental. Mobiliser ses troupes, forger leur moral et les soutenir psychologiquement est primordial pour gagner et s’en sortir aux moindres frais. Dans notre lutte contre la Covid-19, cet aspect est malheureusement complètement délaissé et négligé par nos responsables politiques.
Le ministère de la Santé ne dispose pas d’une véritable stratégie de communication. Il se contente dans ses communiqués et ses points de presse de dire que la situation est grave et critique et de débiter des chiffres et des données purement techniques sur la situation catastrophique de la pandémie et du secteur hospitalier et médical. Aucun effort n’est déployé pour motiver les gens, les mobiliser, les mettre en confiance et leur donner un peu d’espoir.
Par ailleurs, garder un capital-confiance entre les dirigeants politiques et les citoyens est nécessaire en cette période de crise et de guerre. Ceci est d’autant plus important que le citoyen a perdu confiance en ses représentants à l’Assemblée, les partis et toute la classe politique.
La transparence demeure le seul moyen de convaincre et de s’assurer la contribution collective des gens surtout lorsqu’il s’agit de la gestion des deniers publics participatifs comme le fonds de lutte contre le coronavirus 1818. La gestion de ce fonds, au financement duquel le citoyen et les entreprises nationales ont participé malgré ses conditions financières difficiles, est sujette à des doutes quant aux montants dépensés et à leur utilisation adéquate dans les fins pour lesquels il a été créé.
Suite à la pandémie de la Covid-19, la situation sanitaire, sociale et économique est de nos jours grave et il faut s’attendre à des jours prochains encore plus difficiles. Cette crise a une répercussion évidente et négative sur la santé mentale du citoyen qui se trouve touché directement ou indirectement par la pandémie. La prise en charge de la santé mentale de la population est actuellement complètement négligée de la part des autorités de la santé publique.
Lors de la première attaque par le virus et du confinement aux mois de mars-avril, des centres d’écoute et de soutien psychologique et des numéros verts ont été mis en services pour aider les personnes en détresse. Cette prise en charge doit de nouveau être remise en place et étoffée. Elle doit également se faire au niveau des hôpitaux qui hébergent des malades Covid-19 avec l’encadrement psychologique des patients et de leurs familles. Cet accompagnement des familles et ce soutien doit se prolonger même après le décès et jusqu’à l’enterrement des patients décédés. Il faut également soutenir intensivement les personnes atteintes de la Covid-19 et en confinement dans les centres de confinement ou à domicile.
Informer tout en positivant afin de donner de l’espoir
Les médias doivent éviter les émissions catastrophes et les faux experts de tout genre négativistes et alarmistes. Ils doivent se mobiliser pour expliquer, lutter contrer les idées négatives et positiver afin de retrouver le moral et donner de l’espoir. Il faut expliquer qu’attraper la Covid-19 n’est pas un crime et que nous sommes tous exposés à cette affreuse maladie.
La lutte contre la Covid-19 doit être une lutte globale englobant à la fois les soins à la santé physique mais également une communication intelligente et moderne et un soutien psychologique à la population en général et aux familles et personnes touchées par la Covid-19.
Cette lutte nous concerne tous et non seulement les pouvoirs publics, le ministère de la Santé et le personnel soignant. Le citoyen doit également apprendre à prendre en charge le contrôle de sa santé et à gérer ses angoisses. Il faut positiver, lutter contre la peur en général et la peur de la maladie en particulier. La peur crée des conditions favorables à l’affolement et la perte du bon sens et prépare le terrain à toute sorte de pathologies physiques et mentales.
* Professeur à l’Institut national agronomique de Tunisie, à la retraite.
Donnez votre avis