Naoufel Saïed donne toujours raison à Kaïs Saïed. Et c’est normal, dirions-nous. Il est le frère du président de la république et son premier supporteur, contre vents et marées. Mais même si ce que dit le locataire du Palais de Carthage est souvent logique et étayé par des arguments juridiques solides, la parole fraternelle n’est pas forcément la bienvenue, car, quoiqu’il dise, ses mots manquent de crédibilité aux yeux des observateurs.
Par Imed Bahri
Naoufel Saïed est lui aussi juriste de formation et a débuté en enseignant le droit en tant qu’assistant à la faculté des sciences juridiques de Tunis, comme son frère aîné, qui est son modèle voire son idole depuis l’enfance. Mais tout de même, l’idolâtrie, en politique, n’est pas toujours bonne conseillère, car elle risque d’aveugler si elle n’induit pas souvent en erreur.
Ce commentaire est inspiré par un post publié hier soir, vendredi 5 février 2021, par Naoufel Saïed, sur sa page Facebook, où il défend la position de son frère refusant de présider la cérémonie de prestation de serment des onze nouveaux membres du gouvernement Hichem Mechichi, au prétexte que quatre d’entre eux sont soupçonnés de corruption ou traînent des dossiers de conflit d’intérêt, provoquant ainsi un dérèglement dans le travail de l’Etat et une grave crise institutionnelle, aggravée par l’absence d’une Cour constitutionnelle pour statuer sur le litige et débloquer la situation.
Pour défendre la position de son frère, Naoufel Saïed réitère l’argument de ce dernier affirmant que son refus est dicté par son souci de respecter la constitution dont il est, en tant que président de la république, le principal garant, surtout en l’absence d’une Cour constitutionnelle, dont les partis, ses adversaires aujourd’hui, ont eu tort de ne pas élire les membres au cours des cinq dernières années. Ils n’avaient donc à s’en prendre qu’à eux-mêmes, puisqu’ils ont tout fait pour empêcher la mise en place de cette instance constitutionnelle nécessaire au bon fonctionnement d’un Etat démocratique, parce ce qu’ils veulent… avoir les coudées franches et éviter des arbitrages contraignants. C’est donc l’histoire de l’arroseur arrosé et le chef de l’Etat, dont l’hostilité aux partis est un secret de polichinelle, les punit aujourd’hui par où ils ont péché…
La constitution promulguée en janvier 2014, et dont tous les spécialistes affirment qu’elle est l’une des principales causes de l’instabilité politique actuelle en Tunisie, stipule, rappelle Naoufel Saïed, dans le troisième paragraphe de son article 10, que «l’Etat s’emploie et veille à empêcher la corruption et tout ce qui pourrait porter atteinte à la souveraineté nationale».
Cependant, et par-delà la justesse de ses arguments, cet alignement systématique et sans nuance de Saïed junior sur les positions de Saïed senior fait jaser sur Facebook. Les mauvaises langues vont même jusqu’à se demander si ce n’est pas le second qui écrit les textes du premier qui les publie sur sa page Facebook. Autant dire que l’esprit de famille, en politique, passe mal auprès des Tunisiens, qui en ont déjà beaucoup souffert sous Bourguiba et Ben Ali.
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