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Hichem Mechichi, de l’Eden au supplice de Sisyphe

Il ne reste à Hichem Mechichi que de rendre le tablier.

Dans le conflit l’opposant à Kaïs Saïed, Hichem Mechichi serait bien inspiré d’adopter une attitude responsable et d’agir comme le ferait tout chef de gouvernement digne de ce nom, confronté à pareille situation, et respectueux autant de la démocratie que de l’intérêt du pays, au lieu d’agir en mandataire d’une faction parlementaire bien définie, composée d’Ennahdha, de Qalb Tounes et Al-Karama, et s’imposer ainsi le supplice de Sisyphe.

Par Dr Mounir Hanablia *

Il y a dans la crise politique actuelle des réalités révélant le drame humain que l’on oublie trop souvent et qui constitue la trame de tous les conflits à venir. Le démiurge modèle, un bipède à partir de la glaise et celui-ci noue une alliance avec un autre pensionnaire de l’Eden, dont l’habitude de ramper et la langue fourchue suffisent à le distinguer. Cherchant à le perdre, ce dernier le convainc de consommer le fruit défendu, celui de l’Éternité. Tous deux se retrouvent finalement exilés sur une lointaine planète appelée Terre, où les descendants des uns et des autres se livrent depuis lors à une quête effrénée du pouvoir.

Ambition personnelle et compromis douloureux

L’autre jour, lors du vote de confiance qui était tout aussi bien celui de la défiance, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), l’attitude d’abord désinvolte puis stoïque du chef du gouvernement, face aux critiques acerbes parfois injurieuses de certains députés, rappelait combien l’ambition personnelle pouvait imposer de compromis douloureux avec l’estime de soi ou celle des autres.

La quête du pouvoir est souvent une voie sans retour, et le recours du chef du gouvernement Hichem Mechichi au Tribunal administratif, à l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, aux spécialistes du droit constitutionnel, pour légiférer dans le conflit l’opposant au président de la république Kaïs Saïed, qui refuse d’entériner le dernier remaniement ministériel, ainsi que l’absence de toute volonté de désistement de la part des ministres concernés par le refus présidentiel, en sont la meilleure illustration.

Cela rappelle un peu la tragédie issue de la mythologie germanique, celle de l’Anneau du Nibelung, cet opéra de Richard Wagner qualifié de tétralogie, quand le nain Alberich accepte de renoncer à l’amour contre l’Or du Rhin, pour avoir le pouvoir. Et finalement la convoitise de l’anneau se conclut après de multiples meurtres par l’incendie du Walhalla, le crépuscule des Dieux, et le retour de l’or à ses légitimes propriétaires, c’est-à-dire à la case départ.

Saïed veut mettre fin à la soif de pouvoir de Ghannouchi

Le problème de la Tunisie n’est pas un conflit entre l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et la présidence de la république, c’est l’existence d’un parti, Ennahdha en l’occurrence, partageant une vision déterminée du monde, soumis à l’autorité d’une personnalité contestée, Rached Ghannouchi, que ses adversaires accusent d’être responsable de l’élimination de ses adversaires politiques, qui ne s’est pas fait faute d’accorder à ses militants des avantages exorbitants au détriment de l’économie nationale, et qui pour des considérations autant historiques que sécuritaires internes, liées à la répression dont il avait fait l’objet, jadis sous la dictature de Ben Ali, prétend perpétuer un contrôle effectif sur l’appareil de l’Etat. Cette personnalité-là est la même qui préside aujourd’hui l’ARP.

On ne peut donc pas reprocher au président de la république, Kaïs Saïed, qui de surcroît a lui-même fait l’objet d’un acte terroriste, quels que soient ses défauts, de tenter de mettre fin à cela alors que le pays s’enfonce dans le marasme, la récession, l’anarchie, et la violence.

D’autres auraient usé de la force que leur confèrent leurs pouvoirs. Lui s’efforce de s’opposer dans un cadre constitutionnel en usant des erreurs de ses adversaires, et ceux-ci en ont commis. L’absence de Cour constitutionnelle en est la meilleure preuve. Mais la solution à la crise actuelle existe pour peu qu’on veuille bien la rechercher. Plutôt que s’imposer le supplice de Sisyphe, si M. Mechichi essayait d’adopter une attitude responsable, au lieu d’agir en mandataire d’une faction parlementaire bien définie, composée d’Ennahdha, de Qalb Tounes et Al-Karama, il tirerait les conclusions de son bref passage au Palais de la Kasbah, et agirait comme le ferait tout chef de gouvernement digne de ce nom, confronté à pareille situation, et respectueux autant de la démocratie que de l’intérêt du pays

* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.

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