Pour Hichem Mechichi, qui s’accroche à son poste de chef de gouvernement comme un naufragé à sa bouée de sauvetage, toutes les concessions, les compromissions et les capitulations sont bonnes tant qu’elles lui permettent de faire durer son séjour au Palais de la Kasbah. Même si le prix à payer par une Tunisie au bord de la banqueroute serait très élevé.
Par Imed Bahri
Ce fonctionnaire de second rang, simple exécutant sans envergure, a été promu, en quelques mois, par le président Kaïs Saïed, conseiller à la présidence de la république, puis ministre de l’Intérieur, avant d’être carrément bombardé chef de gouvernement, poste auquel, il y a moins d’un an, il n’osait même pas rêver. Et comme pour mordre la main qui lui a été tendue, le premier acte du locataire du Palais de la Kasbah a été de trahir son «bienfaiteur» et de prendre langue avec les adversaires politiques de ce dernier, à savoir les partis Ennahdha, Qalb Tounes et Al-Karama, et solliciter leur protection dans le bras-de-fer qu’il a engagé avec le locataire du Palais de Carthage.
Le prix de l’ingratitude
M. Mechichi, qui a engagé ainsi le pays dans une grave crise institutionnelle et politique, se fait instrumentaliser dans un conflit où il n’a rien à gagner et tout à perdre, à commencer par sa crédibilité ou ce qui en reste. Car, à supposer qu’il parvienne à préserver son poste, ce qui nous semble très improbable, le prix à payer sera lourd, pour lui d’abord, mais aussi pour le pays dont il est censé défendre les intérêts.
En effet, le très contesté chef de gouvernement aura à supporter les coups de boutoir à répétition d’un président de la république qui, parions-le, ne ratera aucune occasion pour l’humilier et lui rendre la vie impossible. Il aura aussi à satisfaire toutes les demandes sinon à subir tous les diktats des composantes de ce qu’il appelle lui-même son «coussin politique», à savoir les dirigeants d’Ennahdha, Qalb Tounes et Al-Karama, une coalition islamo-affairiste très soluble dans le terrorisme et la corruption. Et quelle que soit l’évolution de la situation, dans un contexte de crise politique aggravée par une triple crise économique, sociale et sanitaire, ce ne sera pas une sinécure. Et pas seulement pour lui. Car les difficultés du chef du gouvernement ne manqueront pas d’empoisonner aussi la vie de tous ses collaborateurs, qui se retrouveront à l’étroit, sous pression, incapables d’assumer pleinement leurs fonctions et soumis aux caprices des uns et aux sautes d’humeur des autres.
M. Mechichi a beau satisfaire toutes les revendications qu’expriment les syndicats, les corporations professionnelles et les régions intérieures, en signant à tour de bras, en veux-tu en voilà, des accords dont les incidences financières seront trop lourdes, il est le mieux placé pour savoir que l’Etat, dont les finances sont dans un piteux état, ne pourra jamais honorer ses engagements.
D’ailleurs, ces accords signés à la hâte et dont les motivations politiques ne sont un secret pour personne (M. Mechichi, dont l’impopularité est grandissante, cherche à s’attirer les faveurs d’une partie de l’opinion publique), vont sans doute dissuader les éventuels bailleurs de fonds d’accorder le moindre nouveau crédit à un pays qui ne respecte pas ses engagements, dont celui de réduire ses dépenses, notamment la masse salariale du secteur public, et qui continue de s’endetter pour survivre, hypothéquant ainsi l’avenir de ses enfants.
Une erreur de casting
La Tunisie, qui risque de voir sa note souveraine dégradée davantage par les agences de notation au cours des prochaines semaines et qui s’apprête à sortir sur le marché international pour solliciter de nouveaux financements, aura sans doute beaucoup de mal à convaincre les bailleurs de fonds et ceux d’entre eux qui daigneront faire encore crédit à un pays surendetté ne manqueront pas d’imposer des taux d’intérêt très élevés, dépassant les 7 et 8%.
C’est cela le prix que payeront, au final, les contribuables tunisiens et que, dans sa fuite en avant, M. Mechichi feint d’ignorer, obnubilé qu’il est par les attraits d’un pouvoir auquel il s’accroche comme un affamé.
Ce rond de cuir, sans passé ni expérience ni compétence connus, fait passer ses intérêts personnels avant ceux du pays dont il la charge, comme le font souvent les petits carriéristes sans envergure qui se trouvent propulsés accidentellement ou par un curieux hasard sur les devants de la scène. Autant dire que l’erreur de casting de M. Saïed va coûter très cher aux Tunisiens, qui continuent pourtant de le créditer du plus haut taux de popularité dans les sondages d’opinion. Il faut dire qu’en face, la concurrence est trop maigre, la classe politique étant discréditée dans son ensemble.
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